L'Évaluation dans le cadre d'un enseignement communicatif 

  Dernière mise à jour: 3 juillet 2001
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 Quelques principes fondamentaux...


Utiliser des exercices d'évaluation qui reflètent le type d'activités faites en classe en respectant quelques principes de base:

la composante linguistique n'y est pas forcément prédominante,
l'exercice accorde un certain choix à l'élève quant aux procédures et/ou au contenu et/ou matériel lexical et structural qu'il peut utiliser
dans la mesure du possible, l'exercice fait appel à des systèmes signifiants autres que le langage au sens strict, l'image en particulier.


Privilégier l'évaluation qualitative à l'aide de grilles et de descriptifs, plutôt qu'une évaluation quantitative qui force à atomiser le langage en unités discrètes portant chacune une valeur spécifique.


A partir de la distinction en «fond» (ce qu'on exprime) et «forme» (comment on l'exprime), on peut imaginer une distinction plus fine entre le sens du contenu, et la façon dont ce contenu est structuré (organisation discursive ou textuelle, stratégies communicatives, rhétoriques, pragmatiques) d'une part, et d'autre part entre la variété et la précision de l'expression.


La grille évaluative permet d'équilibrer les différentes composantes d'un acte communicatif. Par exemple, une interview sera jugée selon une dizaine de critères dont cinq seulement ont trait à la compétence morpho-syntaxique, trois et selon une échelle graduée (excellent, bon, moyen, faible, insuffisant).

appréciation


critère(s) 

 excellent

 bon

 passable
(moyen)

 faible

 insuffisant

 Total
fluidité et prosodie/intonation            
précision phonologique            
variété du vocabulaire            
précision du vocabulaire            
variété de la syntaxe            
précision de la syntaxe            
précision de la morphologie            
usage de stratégies communicatives            
auto-correction*            
compréhension            
 Total  x 5  x 4 x 3 x 2 x 1

  / 50


*y compris par des stratégies de compensation: paraphrase, négociation du sens, appui sur l'interlocuteur.

Barème suggéré pour les grilles à dix critères:
50-49: A+ / 48-44: A / 43-41: A- / 40-39: B+ / 38-34: B / 33-31: B- / 30-28: C+ / 27-24: C / 23-21: C- / 20-18: D+ / 17-14: D / 13-11: D- / 10: F

     Ce système permet d'obtenir une note chiffrée globale, tout en équilibrant le poids de la compétence linguistique avec celui d'autres compétences, et en évitant de se limiter à une évaluation binaire (juste/faux, correct/incorrect, bon mauvais) très simplificatrice; de plus, il transforme l'évaluation en outil de diagnostic qui indique avec précision à l'étudiant quels sont ses points forts et faibles, et donc les aspects sur lesquels il/elle doit travailler le plus.
     A un niveau plus avancé, on prendra en compte dans la rubrique des stratégies communicatives la variété et la précision de la gestuelle, voire de la pragmatique; on pourra ajouter une rubrique pour les compétences socio-linguistiques ou socio-culturelles, si l'on a prévu de les évaluer (dans un jeu de rôle par exemple).
     Une échelle évaluative de type ACTFL offre l'avantage de donner des descriptifs de ce qu'un individu peut et ne peut pas faire linguistiquement. Voici par exemple celui de l'expression orale au niveau «intermédiaire moyen»:

Capable de négocier avec succès un éventail de taches communicatives , ainsi que de situations sociales de base et peu complexes. Peut parler simplement de soi et des membres de sa famille. Peut poser des questions et répondre, participer à des conversations simples sur de sujets qui dépassent les besoins les plus immédiats, comme par exemple son propre passé et ses activités de loisir. La longueur des énoncés s'accroît légèrement, mais le discours continue de se caractériser par des pauses longues et fréquentes, car l'incorporation de stratégies conversationnelles même élémentaires se heurte aux difficultés qu'éprouve le sujet à produire des formes linguistiques. La prononciacion peut continuer à subir une forte influence de la première langue, et la fluidité demander un certain effort. Quoique des méprises arrivent encore, le locuteur à ce niveau peut généralement se faire comprendre par des interlocuteurs indulgents.

Sans doute ces appréciations gagneraient-elles à être catégorisées un peu plus strictement, et à être combinées à une échelle de fréquence (toujours, fréquemment, régulièrement, occasionnellement, rarement/jamais) permettant une évaluation plus fine et plus différenciée qui prendrait une valeur de diagnostic. En effet, un locuteur sera classé en «intermédiaire moyen» même s'il ne répond pas exactement à tous les termes de cette description, et ne donc pourra tirer de ce classement un bilan précis et exploitable de sa proficience.
      En outre, cet index présente l'inconvénient de répartir les descriptifs selon les «quatre habiletés» (parler, écouter, lire, écrire --- auxquelles on a ajouté après coup la «compétence culturelle»), division artificielle puisque chaque habileté recouvre plusieurs sous-compétences et s'exerce rarement à l'état pur. Ainsi, l'échelle la plus connue, celle qui sert à l'interview de proficience orale (OPI), évalue le niveau de production de l'apprenant sans tenir compte des habiletés de réception, ce qui met de côté le caractère interactif de toute conversation. De plus, l'importance donnée à la précision --- c'est à-dire en fait à la correction --- pénalise délibérément les diverses stratégies de compensation qui tiennent un rôle important dans toute communication authentique, et ne valorise pas la créativité ou la variété.
     Enfin, ces catégories restent encore très influencées par la linguistique, et escamotent la nature fondamentalement intéractive de la communication. L'habileté d'écoute, par exemple, implique une saisie du sens seulement à partir d'un discours désincarné, alors que «comprendre» peut mettre en oeuvre toutes sortes de stratégies qui exploitent des éléments sensoriels ou l'interactivité --- demander des éclaircissements, faire répéter (en formulant une demande explicite, par un geste, une expression du visage...), proposer une paraphrase pour vérification («Voulez-vous dire que...?»), etc.

Tel quel, le modèle évaluatif proposé par l'ACTFL est donc clairement incompatible avec les principes d'un enseignement dont le but est la compérence communicative, en dépit de ce que peut prétendre à ce sujet l'ACTFL elle-même.

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En résumé, disons qu'une évaluation adaptée à un enseignement de type communicatif doit:


s'opérer à travers des exercices qui mettent en oeuvre les mêmes principes et les mêmes objectifs que les activités faites en classe.

tenir compte d'une éventail aussi varié que possible de compétences (si nécessaire en les répartissant sur plusieurs épreuves), évaluées de façon graduée et différenciée.

relativiser les compétences morpho-syntaxiques en privilégiant les compétences véritablement communicatives.

incorporer des exercices divergents autant que convergents, pour laisser l'exprimer la créativité et l'ingéniosité communicative de l'apprenant.

incorporer autant que faire se peut la dimension interactive de la communication.

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