Quelques principes fondamentaux...
Utiliser des exercices d'évaluation qui reflètent
le type d'activités faites
en classe en respectant quelques principes de base:
la composante linguistique n'y est pas forcément
prédominante,
l'exercice
accorde un certain choix à l'élève
quant aux procédures et/ou au contenu et/ou matériel
lexical et structural qu'il peut utiliser
dans la mesure
du possible, l'exercice fait appel à des systèmes
signifiants autres que le langage au sens strict, l'image en
particulier.
Privilégier l'évaluation qualitative à
l'aide de grilles et de descriptifs, plutôt qu'une évaluation
quantitative qui force à atomiser le langage en unités
discrètes portant chacune une valeur spécifique.
A partir de la distinction en «fond» (ce qu'on exprime)
et «forme» (comment on l'exprime), on peut imaginer
une distinction plus fine entre le sens du contenu, et
la façon dont ce contenu est structuré (organisation
discursive ou textuelle, stratégies communicatives, rhétoriques,
pragmatiques) d'une part, et d'autre part entre la variété
et la précision de l'expression.
La grille évaluative permet d'équilibrer
les différentes composantes d'un acte communicatif. Par
exemple, une interview sera jugée selon une dizaine de
critères dont cinq seulement ont trait à la compétence
morpho-syntaxique, trois et selon une échelle graduée
(excellent, bon, moyen, faible, insuffisant).
appréciation
critère(s) |
excellent |
bon |
passable
(moyen) |
faible |
insuffisant |
Total |
fluidité
et prosodie/intonation |
|
|
|
|
|
|
précision
phonologique |
|
|
|
|
|
|
variété
du vocabulaire |
|
|
|
|
|
|
précision
du vocabulaire |
|
|
|
|
|
|
variété
de la syntaxe |
|
|
|
|
|
|
précision
de la syntaxe |
|
|
|
|
|
|
précision
de la morphologie |
|
|
|
|
|
|
usage
de stratégies communicatives |
|
|
|
|
|
|
auto-correction* |
|
|
|
|
|
|
compréhension |
|
|
|
|
|
|
Total |
x
5 |
x
4 |
x 3 |
x 2 |
x 1 |
/ 50 |
*y compris par des stratégies de compensation: paraphrase,
négociation du sens, appui sur l'interlocuteur.
Barème suggéré pour les grilles à
dix critères:
50-49: A+ / 48-44: A / 43-41: A- / 40-39:
B+ / 38-34: B / 33-31: B- / 30-28: C+
/ 27-24: C / 23-21: C- / 20-18: D+ / 17-14:
D / 13-11: D- / 10: F
Ce
système permet d'obtenir une note chiffrée globale,
tout en équilibrant le poids de la compétence linguistique
avec celui d'autres compétences, et en évitant
de se limiter à une évaluation binaire (juste/faux,
correct/incorrect, bon mauvais) très simplificatrice;
de plus, il transforme l'évaluation en outil de diagnostic
qui indique avec précision à l'étudiant
quels sont ses points forts et faibles, et donc les aspects sur
lesquels il/elle doit travailler le plus.
A un niveau plus avancé,
on prendra en compte dans la rubrique des stratégies communicatives
la variété et la précision de la gestuelle,
voire de la pragmatique; on pourra ajouter une rubrique pour
les compétences socio-linguistiques ou socio-culturelles,
si l'on a prévu de les évaluer (dans un jeu de
rôle par exemple).
Une échelle évaluative
de type ACTFL offre l'avantage de donner
des descriptifs de ce qu'un individu peut et ne peut pas faire
linguistiquement. Voici par exemple celui de l'expression orale
au niveau «intermédiaire moyen»:
Capable de négocier
avec succès un éventail de taches communicatives
, ainsi que de situations sociales de base et peu complexes.
Peut parler simplement de soi et des membres de sa famille. Peut
poser des questions et répondre, participer à des
conversations simples sur de sujets qui dépassent les
besoins les plus immédiats, comme par exemple son propre
passé et ses activités de loisir. La longueur des
énoncés s'accroît légèrement,
mais le discours continue de se caractériser par des pauses
longues et fréquentes, car l'incorporation de stratégies
conversationnelles même élémentaires se heurte
aux difficultés qu'éprouve le sujet à produire
des formes linguistiques. La prononciacion peut continuer à
subir une forte influence de la première langue, et la
fluidité demander un certain effort. Quoique des méprises
arrivent encore, le locuteur à ce niveau peut généralement
se faire comprendre par des interlocuteurs indulgents.
Sans doute ces appréciations
gagneraient-elles à être catégorisées
un peu plus strictement, et à être combinées
à une échelle de fréquence (toujours, fréquemment,
régulièrement, occasionnellement, rarement/jamais)
permettant une évaluation plus fine et plus différenciée
qui prendrait une valeur de diagnostic. En effet, un locuteur
sera classé en «intermédiaire moyen»
même s'il ne répond pas exactement à tous
les termes de cette description, et ne donc pourra tirer de ce
classement un bilan précis et exploitable de sa proficience.
En
outre, cet index présente l'inconvénient de répartir
les descriptifs selon les «quatre habiletés»
(parler, écouter, lire, écrire --- auxquelles on
a ajouté après coup la «compétence
culturelle»), division artificielle puisque chaque habileté
recouvre plusieurs sous-compétences et s'exerce rarement
à l'état pur. Ainsi, l'échelle la plus connue,
celle qui sert à l'interview de proficience orale (OPI),
évalue le niveau de production de l'apprenant sans tenir
compte des habiletés de réception, ce qui met de
côté le caractère interactif de toute
conversation. De plus, l'importance donnée à la
précision --- c'est à-dire en fait à la
correction --- pénalise délibérément
les diverses stratégies de compensation qui tiennent un
rôle important dans toute communication authentique, et
ne valorise pas la créativité ou la variété.
Enfin, ces catégories restent
encore très influencées par la linguistique, et
escamotent la nature fondamentalement intéractive de la
communication. L'habileté d'écoute, par exemple,
implique une saisie du sens seulement à partir d'un discours
désincarné, alors que «comprendre»
peut mettre en oeuvre toutes sortes de stratégies qui
exploitent des éléments sensoriels ou l'interactivité
--- demander des éclaircissements, faire répéter
(en formulant une demande explicite, par un geste, une expression
du visage...), proposer une paraphrase pour vérification
(«Voulez-vous dire que...?»), etc.
Tel quel, le modèle
évaluatif proposé par l'ACTFL est donc clairement
incompatible avec les principes d'un enseignement dont le but
est la compérence communicative, en dépit de ce
que peut prétendre à ce sujet l'ACTFL elle-même.
HAUT
En résumé, disons
qu'une évaluation adaptée à un enseignement
de type communicatif doit:
s'opérer à travers des exercices qui mettent en
oeuvre les mêmes principes et les mêmes objectifs
que les activités faites en
classe.
tenir compte d'une éventail aussi varié que possible
de compétences (si nécessaire en les répartissant
sur plusieurs épreuves), évaluées de façon
graduée et différenciée.
relativiser les compétences morpho-syntaxiques en privilégiant
les compétences véritablement communicatives.
incorporer des exercices divergents autant que convergents, pour
laisser l'exprimer la créativité et l'ingéniosité
communicative de l'apprenant.
incorporer autant que faire se peut la dimension interactive
de la communication.
HAUT
|