On
désigne par « implicite »
tout ce qui est communiqué par le
langage sans être exprimé de manière
dénotative, c'est-à-dire en
utilisant les ressources
linguistiques permettant de produire
un message dont le sens correspond à
ce qu'on veut communiquer au sens
strict. Ce phénomène, contrairement
à la métaphore, la métonymie et
autres « figures du discours »,
repose donc sur le non-dit, et non
pas sur un écart.
H.
P. Grice (Logic
and conversation, 1975)
est l'un des premiers à avoir établi
que ce qu'un locuteur veut dire peut
différer de ce que veut dire
l'énoncé (ou la phrase) qu'il
utilise pour s'exprimer. Soit par
exemple le dialogue suivant :
Catherine
: « Veux-tu venir au cinéma
avec moi ce soir ? »
Jean-Pierre : « Je dois finir mes
devoirs. »
Catherine
: « Dommage, j'avais des
billets gratuits. »
Dans cet échange, la phrase que
prononce Jean-Pierre, à strictement
parler, ne répond pas à la question
de Catherine. Une réponse explicite
serait « Oui, bonne
idée, je veux bien venir
au cinéma avec toi
! » ou « Non, désolé, je
ne peux pas venir
au cinéma avec toi
parce que je dois
finir mes devoirs. »
Pourtant, Catherine comprend très
bien que Jean-Pierre décline son
invitation. Celui-ci ne l'a pas
exprimé, mais il le lui a communiqué
à l'aide d'un énoncé qui ne fait pas
référence au fait d'aller au cinéma
; seule la cause de son refus est
exprimée. «Je
ne peux pas venir»
reste implicite.
Grice a proposé le verbe implicate
et le nom implicature
pour désigner ce
phénomène ; ces termes sont des
néologismes destinés à éviter en
anglais la confusion avec imply
et implication, qui sont
utilisés en logique formelle—en
français, ces distinctions ne sont
pas possibles. Une implication (ou
implicature, mais ce terme n'est pas
attesté dans les dictionnaires
français) constitue ce que John
Searle appelle un « acte de
parole indirect » (indirect
speech act) dans
la mesure où le locuteur accomplit
un acte de parole (ici, déclarer
qu'on ira pas au cinéma) à l'aide
d'un énoncé qui ne correspond pas
sémantiquement à l'acte de parole
accompli.
Dans notre exemple, il s'agit d'une
implication
conversationnelle ;
c'est-à-dire qu'elle fonctionne dans
le contexte d'un échange verbal. Un
autre type d'implication, au sens
plus conventionnel de la logique,
consiste en une relation entre deux
proposition telle que la première
étant vraie, la seconde est
nécessairement vraie : la
proposition « Jean-Pierre aime
le cinéma, mais il n'ira pas au
cinéma ce soir. » implique
conventionnellement que l'on
pourrait s'attendre à ce que Jean-Pierre
aille au cinéma, puisqu'il
aime ça.
Grice
postule que l'implication
conversationnelle fonctionne
grâce à un principe général
de coopération entre
interlocuteurs—il faut faire ce
qui est requis par le but
communément accepté de la
conversation—, qu'il décine en
quatre « maximes » :
Maxime
de Qualité :
soyez honnête, ne communiquez
pas intentionnellement ce que
vous savez être faux ou inexact
;
Maxime
de Quantité
: Fournissez l'information
requise en quantité nécessaire,
ni trop ni trop peu ;
Maxime de Pertinence :
Fournissez
une information pertinente
par rapport au but de
l'échange ;
Maxime de Manière :
Évitez l'obscurité et ambiguité,
soyez concis et cohérent.
Le
non-respect de ce principe de
coopération peut mener à la confusion
et même au conflit, mais il est aussi
une source d'humour.
L'inférence
est, dans un événement
communicatif, le processus inverse
de l'implication. Pour qu'une
implication du locuteur
fonctionne, il faut que
l'interlocuteur permet de décoder
le message correctement. réalise
une inférence qui lui . Dans
l'exemple ci-dessus, Catherine
infère que Jean-Pierre
refuse son invitation. Voici une
version légèrement différente :
Catherine
: « Veux-tu venir au cinéma
avec moi ce soir ? »
Jean-Pierre : « Je dois finir mes
devoirs. »
Catherine
: « Très bien, donc, rendez-vous
ici à 19h00. »
Jean-Pierre
: « Non, ça va me prendre toute la
soirée. »
Ici,
Catherine
n'a pas inféré que Jean-Pierre
refusait son invitation,
croyant que son affirmation
sur la nécessité de finir ses
devoirs était un message
purement informatif.
Ce n'est pas un problème de
décodage, sur
le plan strictement
linguistique, mais
c'en est un sur le plan
pragmatique ; l'implication n'a
pas fonctionné car elle n'a pas
déclenché l'inférence souhaitée.
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