L'ENVIRONNEMENT ÉDUCATIF (1)

Dernière mise à jour: 19 septembre 2013
© 2013 Guy Spielmann

I. La relation pédagogique 


Le modèle SOMA de la situation pédagogique,
d'après Legendre.

    On considère traditionnellement que tout apprentissage dirigé implique la mise en rapport de trois entités: l'apprenant (le sujet), l'enseignant (l'agent), et l'objet (l'appris). Ces trois pôles sont liés par trois types de relations: didactique  (agent-objet), apprentissage (sujet-objet) et enseignement (agent-sujet). Ces relations ont pour cadre un milieu (ou environnement) que constitue l'école, l'université, mais aussi la communauté socio-culturelle toute entière.
     Cependant, chaque programme pédagogique, chaque méthode, chaque philosophie de l'éducation interprète très différemment le rôle de chaque élément. En effet, si la fin de l'éducation est toujours la même — éduquer s'oppose à ne pas éduquer, dans la perspective axiologique « Nature vs. Culture » qui définit toute culture humaine — les finalités varient selon de grandes orientations philosophiques qui diffèrent en fonction de l'époque, du pays, de la communauté, etc. Ces finalités se regroupent selon quatre tendances majoritaires, que l'on peut regrouper deux par deux selon qu'elles sont axées sur le processus d'apprentissage (ou le savoir transmis) ou sur l'apprenant.

     Par ailleurs, s'il est évidemment impossible de penser l'apprentissage sans ces quatre composantes réunies, la nature qu'on reconnaît à chacune ne va pas de soi, et constitue même le lieu d'investissements idéologiques et affectifs forts diverses, dont les variations produisent des situations pédagogiques — et a fortiori des systèmes éducatifs — profondément dissemblables.
      Il faudra donc problématiser chacun de ces éléments, ainsi que les relations de l'un à l'autre. Dans « Le Milieu » , par exemple, il faudra potentiellement distinguer

A. de manière objective

  • Le système éducatif au sens large, au niveau national;
  • Le système éducatif au sens restreint: district scolaire, académie…;
  • Le milieu institutionnel: l'établissement (université, lycée, école…);
  • L'unité d'apprentissage: la classe, la section, la promotion;
  • Les sous-groupes constitués (fraternités, associations, syndicats) ou informels (cliques, bandes, groupes d'amis)

B. de manière subjective

  • les entités ci-dessus telles que les envisage l'apprenant;
  • les entités ci-dessus telles que les envisage l'enseignant;
  • les entités ci-dessus telles qu'elles sont envisagées de l'intérieur par leurs propres participants et dirigeants.

Quant à « L'apprenant » il faudra distinguer

  • comment l'institution le conçoit , et ce qu'elle attend de lui;
  • comment l'enseignant le conçoit, et ce qu'il attend de lui;
  • comment il se conçoit lui-même, et ce qu'il attend de lui-même.

La même distinction s'applique à l' « enseignant »

    Enfin, la matière, l'objet — ce qu'on doit apprendre/enseigner — se décline également en trois conceptions : celle de l'institution, celle de l'enseignant et celle de l'apprenant, auxquelles peuvent venir s'ajouter d'autres conceptions extérieures, (y compris hors de toute visée pédagogique: conception des parents d'élève, par exemple, ou des professionnels dans un domaine particulier) Ses frontières, ses variations, ses composantes sont toujours à préciser. Idem pour les trois relations (didactique, apprentissage, enseignement), différemment envisagés par l'apprenant, l'enseignant et l'institution.
    Dans la pratique, on tient souvent pour acquis que ces diverses conceptions convergent ou coïncident, ou du moins on fait comme si les divergences n'existaient pas; et l'échec ou la réussite de l'apprentissage dépend du degré réel de congruence entre les notions.

II. Grandes tendances des systèmes éducatifs et pédagogiques

     Avant même d'entrer en détail dans l'étude de ces éléments, on peut distinguer quatre grandes tendances générales qui gouvernent la plupart des systèmes éducatifs, selon qu'ils mettent l'accent sur la matière et le processus d'apprentissage ou sur l'apprenant.

A) Tendances axées sur l'objet d'apprentissage et sa transmission» par l'enseignant


     1. La tendance Académique: la plus traditionnelle en Occident. Elle donne le rôle principal au maître, détenteur du savoir qu'il transmet à un élève essentiellement passif. La relation pédagogique, très hiérarchisée, reste fortement asymétrique: la communication se résume le plus souvent à l'échange de questions et de réponses. L'apprenant n'exerce aucun choix, ni ne peut influencer l'apprentissage ou le savoir. Il doit assimiler ce qu'on lui inculque du mieux possible pour se conformer à un idéal culturel standardisé qui laisse peu de place à l'expression de choix et de goûts personnels (c'est ce qu'on a appelé une pédagogie de la «reproduction»)
 
     2. La tendance Mécaniste: elle triomphe à partir du moment où l'éducation ne se réserve plus à un groupe de privilégiés, mais se donne pour but de former le plus grand nombre. Elle donne la priorité à l'acquisition d'habiletés plutôt que d'un savoir, autrement dit à un savoir pratique. Bien que l'apprenant y est plus actif, il n'exerce pas forcément de choix et doit toujours se conformer à un modèle qui lui est imposé de l'extérieur. Il peut ainsi devenir expert dans l'exécution de certaines tâches sans en comprendre le sens profond ni pouvoir les modifier.

B) Tendances axées sur l'apprenant et le processus d'apprentissage

     3. La tendance Humaniste: elle se propose d'aider l'apprenant à réaliser pleinement son potentiel humain (processus dont le but ultime est «l'actualisation de soi» au sommet de la pyramide des besoins de Maslov). Celui-ci est responsabilisé dans la mesure du possible, alors que l'enseignement est centré sur ses besoins plutôt que sur un objet extérieur qu'on lui impose. On estime donc qu'il doit comprendre ce qu'on lui propose de faire et pourquoi il devrait le faire.

    4. la tendance sociale (ou socio-centrique, en anglais social reconstructionist): assez peu (re)connue dans le domaine francophone, elle est en revanche importante dans le domaine anglophone ou latino-américain. Elle se donne pour but de créer une société plus équitable en éduquant des groupes défavorisés ou opprimés qui soit n'ont pas accès au savoir ou à la formation, soit sont systématiquement aiguillés vers des formations qui les cantonnent à un statut socio-économique subalterne. Il s'agit donc de donner aux apprenants les moyens d'une promotion sociale sans toutefois les forcer à se conformer à un modèle socialement dominant.

HAUT