LES OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE

Dernière mise à jour :
12 septembre 2017

© 2017 Guy Spielmann


I. La Hiérarchie des objectifs

   Depuis les années 1950 et la publication de l'influente étude sur le rôle des facultés cognitives dans l'apprentissage, Taxonomy of Educational Objectives, Handbook I: The Cognitive Domain (Dir. Benjamin S. Bloom, New York: David McKay Co Inc., 1956), on a pris l'habitude de hiérarchiser les modes d'apprentissage selon une progression pyramidale allant du plus simple au plus complexe.
   La « Taxinomie de Bloom » (Bloom's Taxonomy) distinguait ainsi six niveaux :


Connaissance : arranger, définir, dupliquer, étiqueter, lister, mémoriser, nommer, ordonner, identifier, relier, rappeler, répéter, reproduire.

Compréhension : classer, décrire, discuter, expliquer, exprimer, identifier, indiquer, situer, reconnaître, rapporter, reformuler, réviser, choisir, traduire,définir avec ses mots,donner des exemples

Application : appliquer, choisir, démontrer, dramatiser, employer, illustrer, interpréter, réaliser, pratiquer, planifier, schématiser, résoudre, utiliser, écrire.

Analyse : analyser, estimer, calculer, comparer, contraster, critiquer, différencier, discriminer, distinguer, examiner, expérimenter, questionner, tester, cerner, poser un diagnostic

Synthèse : améliorer, arranger, assembler, collecter, composer, construire, créer, concevoir, développer, formuler, gérer, organiser, planifier, préparer, proposer, installer, écrire.

Évaluation : arranger, argumenter, évaluer, rattacher, choisir, comparer, justifier, estimer, juger, prédire, chiffrer, élaguer, sélectionner,recommander, critiquer

En 2000, cette échelle a été légèrement modifiée, pour y inclure un nouveau mode, la Création, qui se substitue à la synthèse (désormais fusionnée avec l'analyse) et vient se positionner au sommet de la pyramide (Anderson, L. W., Krathwohl, D. R., Airasian, P. W., Cruikshank, K. A., Mayer, R. E., Pintrich, P. R., Raths, J., Wittrock, M. C., A Taxonomy for Learning, Teaching, and Assessing: A revision of Bloom's Taxonomy of Educational Objectives. New York, Pearson, Allyn & Bacon, 2000.)
     
Indéniablement utiles, de telles hiérarchies sont néanmoins discutables dans le détail. Par exemple, si l'on conçoit bien que la connaissance soit d'habitude nécessaire à la compréhension, il existe des cas où les deux sont atteintes simultanément, et d'autres où une compréhension inductive précède la connaissance — notamment en matière de langage, où la compréhension et l'application se situent nettement en amont de la connaissance dans l'apprentissage naturel : on comprend comment fonctionne sa langue maternelle et on apprend à l'utiliser bien avant d'avoir « appris la grammaire » et de savoir ce qu'est un nom, un adjectif, la conjugaison, etc. (concepts qui seront abordés dans le cadre scolaire).


II. Les 7 types d'objectifs     

  • Les objectifs de contenu Il s'agit de faits et de données que l'enseignant présente, éventuellement en les expliquant ou les clarifiant. L'apprentissage se borne à la mémorisation, vérifiable par l'interrogation simple. (enseigner que / savoir que)
  • Les objectifs de compétence Ils reflètent la capacité à effectuer avec succès une tâche qui peut être aussi simple que la paraphrase, ou aussi complexe que la constitution d'un plan de dissertation à partir d'un sujet donné. (enseigner à faire / savoir faire). Plus généralement, la compétence peut se concevoir comme la maîtrise d'un ensemble de procédures, ainsi que d'une capacité décisionnaire à mettre en œuvre les procédures adéquates pour effectuer une tâche donnée.
  • Les objectifs de procédure Ils reflètent des compétences techniques, aussi simples que la mise en page nette et rationnelle d'un devoir, ou aussi complexes que « faire des recherches » sur un sujet donné (qui, par exemple, implique l'assimilation d'une séquence : délimiter le sujet-établir une bibliographie préliminaire-obtenir les sources-vérifier la pertinence des sources-établir une bibliographie définitive-sélectionner les matériaux utilisables dans chaque source, etc). (enseigner comment faire / savoir comment faire) La procédure, contrairement à la compétence, n'implique pas de choix ni de prise de décision ; elle reste toujours mécanique. Apprendre à déchiffrer les mots imprimés sur une page (procédure) n'égale pas apprendre à lire (compétence), même si elle en constitue l'indispensable base.
  • Les objectifs expérienciels Ils consistent à planifier le passage des étudiants par diverses expériences dont on pense qu'elles détiennent une valeur pédagogique, sans que celle-ci soit précisément vérifiable. Par exemple, donner tous les cours de français en français et en s'exprimant de façon naturelle vise à faire bénéficier les étudiants d'une expérience d'immersion. Les objectifs expérienciels comprennent souvent des activités dites « extracurriculaires », mais qui ont en réalité une incidence directe sur l'apprentissage.
  • Les objectifs conceptuels Fondamentaux, mais souvent négligés au bénéfice d'objectifs plus concrets et donc plus faciles à enseigner et à évaluer. Un exemple : soumettre les étudiants à des années d'exercices sur la différence entre passé composé et imparfait, à partir de « règles » d'usage, mais sans jamais aborder le concept d'« aspect » qui est pourtant essentiel pour comprendre le système verbal du français. L'énonciation, la communication, la semiosis sont des concepts fondamentaux qui devraient figurer au cœur d'un enseignement linguistique… où ils brillent le plus souvent par leur absence.
  • Les objectifs heuristiques Ils consistent à inculquer aux étudiants des stratégies d'apprentissage, qui impliquent souvent une réflexion métacognitive sur l'apprentissage en soi. En principe, les objectifs heuristiques transcendent la compétence, qui se limite à des processus bien déterminés : ainsi, apprendre à aborder de façon critique, systématique et productive n'importe quel type de texte se distingue de la capacité à faire une explication de texte. (enseigner à apprendre / savoir apprendre)
  • Les objectifs de valeur Ils consistent à faire prendre conscience à l'apprenant du sens et de l'importance d'un apprentissage particulier, et de l'éducation en général : « Pourquoi apprendre ? » « Pourquoi éduquer ? » « Pourquoi enseigner tel ou tel savoir, telle ou telle compétence ? » Rarement explicites, ces objectifs sous-tendent toute activité éducative, et divers courants critiques (marxistes, féministes...) ont dénoncé dans des activités tenues pour neutres ou anodines des prises de position idéologiques qui influencent sensiblement le processus d'éducation : on en trouve un exemple célèbre dans la formation scientifique, qui a longtemps pénalisé les filles en créant l'illusion que celles-ci étaient moins « douées » que les garçons dans ce domaine.
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