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2018 Guy Spielmann
L'«Ancien
Régime » (1589-1792)
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Le
terme d'« Ancien Régime » apparaît lors
de la Révolution pour désigner rétrospectivement
tout ce qui précède l'établissement de la
république en 1792. Globalement, il signifie donc
le système monarchique qui, en théorie, existe
depuis 987 et la fondation du royaume de France
par Hughes Capet (voir la chronologie)
En fait, on
l'emploie surtout pour la dernière phase de la
monarchie, c'est-à-dire la dynastie des Bourbon,
qui commence avec l'avènement d'Henri IV en 1589,
et se termine en 1792 avec la proclamation de la
république. Cette phase se caractérise par:
Le développement de
la « monarchie absolue »,
autrement dit de la restriction du pouvoir
exécutif au roi lui-même et à un premier ministre,
ou éventuellement à un groupe très restreint de
ministres, tandis que le rôle des parlements en
matière législative est minimisée, voire réduit à
néant. En 1614, on réunit encore les États
Généraux, assemblée relativement représentative de
la nation toute entière; cela n'arrivera plus
jusqu'en 1789.
La réduction
du pouvoir de la noblesse, en
particulier des « grands nobles »,
parfois très proches de la famille royale (comme
les Condé) et qui estiment devoir participer au
gouvernement du royaume, voire contester
l'autorité du roi. Ainsi le Prince de Condé, héros
militaire national dans les années 1630, puis
rebelle lors de la Fronde dans les années
1648-1652, devra-t-il finalement multiplier les
gages de fidélité (pour ne pas dire de servilité)
envers Louis XIV pour retrouver un statut digne de
lui au sein de l'État—voir l'épisode fameux de la
fête de Chantilly en 1671.
La réduction du
pouvoir des parlements, notamment celui
de Paris, qui disposait d'un droit de regard sur
les édits et les lois promulgués par le pouvoir
royal. Cette prérogative lui sera progressivement
retirée, après avoir été réduite à un seul droit
de critique
(de « remontrance »), même
si, à la mort de Louis XIV, les parlementaires se
vengèrent en annulant son testament (qui, entre
autres dispositions, légitimait les enfants
bâtards du feu roi, ce qui leur ouvrait la voie à
une possible succession).
Le développement d'une
vie de cour brillante, mais qui
transforme peu à peu les nobles en figurants
forcés de graviter en permancence autour du roi
pour obtenir faveurs et gratifications. Tandis que
leur pouvoir politique se trouve progressivement
rongé, des roturiers méritants accèdent au plus
hautes fonctions et fondent des dynasties (grâce à
la loi dite de la « Paulette » qui depuis 1604
rend les charges publiques vénales héréditaires),
ce qui crée une « noblesse d'État »
supplantant la noblesse d'épée, laquelle ne
conserve guère que son prestige social. L'inégalité
radicale fondée sur le privilège, qui dépend de
la seule naissance et ne concerne que 2% de la
population.
Un dysfonctionnement
financier chronique. Dès lors qu'on s'avise de
mettre en place un budget de l'État—œuvre de
Colbert à partir de 1661—on se rend compte de
l'existance d'un déficit énorme qu'aucune mesure
ne parviendra jamais à combler. Si Louis XVI finit
par convoquer les États Généraux en 1789, c'est
que la situation financière du pays est parvenue à
un seuil critique : le roi n'a tout simplement
plus les moyens de faire fonctionner les
institutions de l'État. Pendant deux siècles, les
mesures de bon sens proposées par les ministres,
de Colbert à Necker, ne furent pas appliquées en
raison d'intérêts particuliers et de l'attachement
rigide à des principes qui ne correspondaient plus
aux réalités économiques.
Brève
chronologie de l'Ancien Régime
1589-1610:
Règne de Henri IV, avec
Maximilien de Sully comme « surintendant
des Finances » et principal ministre.
Redressement économique du royaume après les
guerres de religion et politique de tolérance
envers les protestants, concrétisée par l'Édit
de Nantes (1598).
1610-1614:
Régence de la reine Marie de Medicis
1614-1643:
Règne de Louis XIII, avec
Armand du Plessis, duc et cardinal de Richelieu
comme principal ministre entre 1624 et 1643.
Richelieu apparaît comme la personnalité
dominante face à un roi très effacé. C'est lui
qui mène la guerre contre les Protestants, en
rebellion ouverte entre 1622 et 1629, et qui
fonde l'Académie Française en 1635.
1643-1651:
Régence d'Anne d'Autriche,
reine-mère. Période très difficile pour la
monarchie en raison de la rébellion des grands
nobles, et du parlement de Paris (la «
Fronde »), tandis que le jeune Louis
Dieudonné est trop jeune pour régner.
1651-1715:
Règne de Louis XIV. D'abord
sous la tutelle du Cardinal Jules Mazarin,
premier ministre désigné par Richelieu, le règne
prend une tournure inédite après la mort de
celui-ci et la « prise de pouvoir » du
roi en 1661, qui décide qu'il gouvernera sans
premier ministre. Cependant, il s'attache les
services de Jean-Baptiste Colbert,
issu d'un milieu bourgeois, et qui deviendra une
sorte de super-ministre aux responsabilités
multiples après l'élimination de Nicolas
Fouquet (1664), surintendant des
Finances qu'on soupçonne de s'être enrichi en
pillant les caisses de l'État grâce à divers
traffics.
1715-1723:
Régence de Philippe d'Orléans.
Bref interrègne marqué par le retour en force
des nobles au gouvernement (système de la
« polysynodie »), la speculation
effrénée—qui culmine en 1720 dans la
« banqueroute de Law », c'est-à-dire
l'effondrement (le « krach ») du
système de papier-monnaie mis en place par
l'affairiste écossais John Law—et un notable
relâchement des mœurs.
1715-1774:
Règne de Louis XV, commencé
sous les meilleurs auspices—le roi est surnommé
« Louis le Bien Aimé »—et qui se
révèlera calamiteux, avec notamment la guerre de
Sept Ans perdue face à l'Angleterre, à qui sont
cédés un grand nombre de colonies (Amérique du
nord et Inde notamment) par le traité de Paris
en 1763. Ministères successifs de Fleury
(1723-58), Choiseul (1758-70) et Maupeou; la
crise économique et sociale empire
considérablement, sans issue évidente.
1774-1792:
règne de Louis XVI. Timide et
renfermé, il n'a pas l'étoffe d'un grand homme
d'État, alors qu'il hérite d'une situation
budgétaire catastrophique. Le soutien apporté
aux insurgents américains contre
l'Angleterre, s'il permet la naissance des
États-Unis (1776), achève de ruiner un royaume
qui ne peut plus se financer. À cours de
solution, on convoque les États-Généraux (mai
1789), où les députés du Tiers-État (les
non-privilégiés), majoritaires, exigent un
changement de régime vers une monarchie
constitutionnelle. Louis XVI feint d'abord de
collaborer, mais, devant la tournure des
événements, il prévoit de quitter la France et
d'en reprendre le contrôle militairement avec
l'appui d'autres monarchies Européennes, dont la
maison d'Autriche, celle de sa femme
Marie-Antoinette. Arrêté alors qu'il tente de
quitter le territoire, puis déposé le 10/8/92,
il est jugé pour haute trahison, condamné et
exécuté le 21/1/93.
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