© 2018 Guy Spielmann
L'«Heure de la France»
     Lors de la Renaissance (XIVe - XVe siècles), c'est l'Italie qui avait dominé l'Europe culturellement et économiquement. Au XVIe siècle, le centre de gravité se déplace vers la péninsule ibérique qui profita des récentes explorations en Amérique pour créer les premiers grands empires coloniaux de l'époque Moderne. L'afflux des richesses rehaussait encore l'éclat du siglo de oro espagnol, qui vit à la fois un épanouissement artistique considérable et une hégémonie politique de la maison des Hapsbourg au niveau européen. (voir la carte)
     Lors du premier tiers du XVI
Ie siècle, c'est désormais la France qui s'affirme comme principale puissance du vieux continent, dont elle est le pays le plus peuplé avec environg vingt millions d'habitants. Par la négociation, et surtout par la guerre, son territoire métropolitain ne cesse de croître—à la fin du règne de Louis XIV, le «pré carré» (expression de l'ingénieur militaire Vauban) est déjà très proche de l'«hexagone» actuel avec ses frontières «naturelles» (mers et océans, Rhin, Alpes et Pyrennées)—et se complète de la Nouvelle France, colonie encore mal explorée qui couvre les deux tiers des Etats-Unis et une bonne partie du Canada actuels.
      On peut faire débuter ce «Grand Siècle» en 1643, année de la mort de Louis XIII et de Richelieu (Louis XIV n'étant encore qu'un enfant, c'est la reine-mère Anne d'Autriche qui assure la régence, conseillée par Mazarin), mais aussi de la bataille de Rocroi [1], qui marque la nouvelle suprématie militaire française aux dépends des Espagnols; on peut en fixer le terme soit à la mort de Louis XIV en 1715, soit en 1763, lorsque le traité de Paris met fin à la guerre de Sept Ans qui opposait la France à l'Espagne, au Portugal et surtout à l'Angleterre [2], laquelle reçoit en partage la plupart des territoires de la Nouvelle France et s'affirme comme la puissance dominante, sur les plans économique, militaire—et même culturel, puisque l'anglomanie, soutenue par les «philosophes», se propage rapidement en France.
      Durant ces deux siècles, la culture et la langue françaises, très largement diffusées dans les élites européennes et jusqu'en Russie, servent de référence. Partout on construit des châteaux sur le modèle de Versailles, on joue ou on adapte les pièces de théâtre et les opéras français; partout, les gens cultivés parlent le français, qui devient ainsi une sorte de vernaculaire européen, et restera longtemps celui des diplomates. Cette influence énorme se fera encore sentir même lorsque la France aura perdu son importance sur l'échiquier politique international.

Notes
1. Cette bataille décisive fait partie de la Guerre de Trente Ans.
2. Voir Hérodote. De nombreux conflits avaient émaillé la rivalité entre les deux nations à partir de l'avènement au trône britannique de Guillaume III d'Orange (1689), souverain protestant qui au terme de la Glorious Revolution remplaçait Jacques II Stuart, monarque aux sympathies catholiques très proche de Louis XIV.