1.
La Fronde, 1648-52
Les
rois de France successifs ont eu pour objectif
d'affermir et d'accroitre le pouvoir monarchique en
affaiblissant celui des nobles, et particulier les
« grands », qui à certains moments ont eu
des moyens et une influence plus étendus que les
leurs, et parfois même ont disposé d'une puissance
militaire supérieure. Depuis Henri IV, les Bourbons
ont réussi à mettre en place une monarchie «
absolue », c'est-à-dire qui n'est soumise à
l'approbation ni des aristocrates ni des parlements.
Pourtant, Louis XIII règne, mais ne gouverne
pas : c'est son premier ministre, le cardinal
de Richelieu, qui dirige le royaume en son nom. À sa
mort, les grands nobles sentent que le pouvoir est
très fragile et veulent saisir l'occasion de
recouvrer leurs prérogatives ; ils vont donc
entrer en rebellion ouverte tandis que Louis XIV est
encore un enfant : c'est sa mère qui assure la
régence, mais l'homme fort du royaume est le
cardinal Mazarin, que Richelieu a désigné comme
successeur, et qui a tenu jusqu'à sa mort le poste
de premier ministre. La « Fronde des
princes » a pour principaux animateurs un
militaire, Condé, un ecclésiastique, Retz, et la
duchesse de Montpensier, dite la Grande
Mademoiselle, passionaria de la rebellion.
Louis
II de Bourbon (1621-1686), duc d'Enghien puis
prince de Condé, dit « le Grand Condé
» : Général d'armée à l'âge de vingt-deux ans,
Condé remporte face aux Espagnols, dans le cadre de
la guerre de Trente Ans, la décisive victoire de
Rocroi (19 mai 1643). Il bat les Impériaux à
Nordlingen, s'empare de Dunkerque (1646) et défait
de nouveau les Espagnols à Lens (1648), ce qui
contribue à la signature des traités de Westphalie
avec l'Empire.
Condé complote avec les grands, désireux de
recouvrer leurs privilèges : son frère, le prince de
Conti, les Vendôme, les Longueville, le cardinal de
Retz... Un internement au château de Vincennes,
ordonné par Mazarin, l'amène à franchir le pas
décisif. Il prend la tête de la Fronde des princes
et marche sur Paris. Mais, son armée est battue par
celle de Turenne, demeuré fidèle au roi, et
n'échappe à la destruction que par le feu des canons
de la Bastille commandé par la Grande Mademoiselle.
Condé se révèle piètre politique. Il ne tarde pas à
se faire chasser par les bourgeois de la ville,
excédés de sa tyrannie.
Condé se met alors au service de l'Espagne, qui
espère prendre sa revanche contre une France
apparemment de nouveau affaiblie par la guerre
civile. À la tête des troupes espagnoles, il
remporte plusieurs victoires (Valenciennes et de
Cambrai), haute trahison qui lui vaut une
condamnation à mort, annulée par un pardon de Louis
XIV à la suite du traité des Pyrénées, mettant fin à
la guerre (1659). Après des années de disgrâce, il
sollicite un commandement militaire du roi, reçu en
grande pompe au château de Chantilly lors d'une fête
particulièrement fastueuse (1671). Il l'obtient et
s'illustrera encore dans les guerres de Dévolution
et de Hollande. Pleinement réhabilité, l'ancien
frondeur aura même droit à des obsèques grandioses,
et à une oraison funèbre prononcée par Bossuet à
Notre-Dame de Paris le 11 décembre 1686.
Paul de Gondi, cardinal de Retz (1614-1679),
fut destiné dès son enfance à la carrière
ecclésiastique, et devint, en 1643, coadjuteur de
l'archevêque de Paris, son oncle. On sait qu'il se
mêla à toutes les agitations qui troublèrent la
régence d'Anne d'Autriche, et qu'il fut un ardent
promoteur de la Fronde sans s'impliquer
personnellement dans les combats. C'est le
« théoricien » de la rebellion princière
dont Condé est le principal acteur.
Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de
Montpensier, dite la Grande Mademoiselle
(1657-1693). Fille de Gaston d’Orléans
(oncle de Louis XIV et déjà en son temps rebelle
contre le pouvoir royal), elle participe activement
à la Fronde. Lors de la bataille du Faubourg
Saint-Antoine, en 1652, elle fait tirer les canons
de la Bastille sur les troupes royales pour couvrir
la retraite de l'armée de Condé. Après la défaite du
parti des princes, elle se réfugie en son château de
Saint-Fargeau et y reste cloîtrée jusqu’en 1657,
échappant aux sanctions.
À
la suite des nobles, le Parlement de Paris se joint
à la rebellion, en espérant renforcer son propre
pouvoir. Finalement, les troupes royales, menées par
Mazarin, finissent par s'imposer. Sérieusement mis
en difficulté, le jeune roi – qui a dû fuit Paris,
risquant d'être capturé - non seulement reste
sur son trône, mais voit sa puissance raffermie. Les
principaux instigateurs de la Fronde, liés à la
famille royale, seront pardonnés, mais mis au pas.
2.
Persécutions et exil des Huguenots
Depuis
sa fondation, le royaume de France est une monarchie
où la foi catholique joue un rôle important. Le roi
de France, au départ noble parmi les autres (primus
inter pares) finira par être considéré comme
un monarque de droit divin, dont le couronnement
dans la cathédrale de Reims est aussi une onction:
il est «sacré» roi de France et représente Dieu sur
la terre. Malgré tout, la France connaît plusieurs
mouvements de dissention religieuse, généralement
traités comme des hérésies, et donc violemment
réprimés. C'est notamment le cas des Cathares, secte
fortement implantée dans le comté de Toulouse,
contre qui sera déclarée une véritable croisade
(dite «des Albigeois») en 1208-1244.
À la Renaissance, le déclenchement
de la Réforme (dès 1517 avec les «thèses» de Luther)
va avoir un profond impact sur le royaume de France,
déchiré par les «guerres de religion» pendant la
plus grande partie de la seconde moitié du XVIe
siècle. Cette guerre civile se conclut de manière
inattendue lorsque le roi Henri III, dont le trône
avait été menacé par le parti de la Ligue
ultra-catholique (et son chef, le duc de Guise),
désigne in extemis comme successeur son cousin
Henri, roi de Navarre, qui avait jusque-là mené avec
succès les troupes protestantes. Ce dernier, s'étant
converti au catholicisme, promulgue en 1598 l'Édit
de Nantes qui assure aux «Réformés» la liberté de
culte et une intégration à la société française.
Néanmoins, les XVIIe et
XVIIIe siècle sont agités de tensions
religieuses de toutes sortes: non seulement entre
catholiques et protestants, mais entre courants
catholiques divergents: ainsi, le quiétisme et
surtout le jansénisme provoquent des crises
sérieuses au sein de la religion d'État. Par
ailleurs, le clergé de France, soutenu par Louis
XIV, prend ses distances avec Rome et conteste
l'autorité du Pape par la «déclaration des quatre
articles» (1682).
Peu après la mort d'Henri IV, le nouveau
gouvernement, dirigé par un cardinal (Armand du
Plessis de Richelieu), adopte une position nettement
moins conciliante en exigeant que les protestants
abandonnent leurs places fortes, pourtant garanties
par l'Édit de Nantes, ce qui débouchera sur de
nouvelles opérations militaires (siège de la
Rochelle en 1627-28). Après un demi-siècle de
relatif appaisement, Louis XIV ravive les tensions
en reprenant le harcèlement des fidèles de la
«Religion Prétendûment Réformée» pour les inciter,
voire les forcer à se convertir au catholicisme.
Brimades et persécutions se font de plus
en plus violentes à la fin des années 1670 avec les
«dragonnades», qui consistent à stationner des
troupes parmi les Protestants, les soldats ayant
pour consigne de rendre la vie impossible à leurs
hôtes. Le durcissement de ces mesures vexatoires
atteint son paroxisme avec la révocation de l'Édit
de Nantes en 1685, qui laisse les «Huguenots»
vulnérables aux pires exactions; mais plutôt de se
convertir, la majorité choisit l'exil: près de 200
000 personnes (10% de la population) quittent alors
la France pour se réfugier dans des pays
protestants, ou du moins tolérants: Angleterre,
Pays-Bas, certains états allemands, mais aussi
Amérique ou Afrique du Sud. Or, ces exilés
appartiennent surtout à la bourgeoisise des
professions libérales et commerçantes, et leur
départ constitua une perte considérable pour la
France, où la plupart ne revint jamais.
Ci-dessous: mis en joue par un dragon (soldat de
cavalerie) dont le fusil est muni d'un crucifix, un
protestant n'a d'autre solution que d'abjurer sa
foi. Paris, Bibliothèque Nationale.