© 2018 Guy Spielmann
Tensions politiques et religieuses

1. La Fronde, 1648-52

    Les rois de France successifs ont eu pour objectif d'affermir et d'accroitre le pouvoir monarchique en affaiblissant celui des nobles, et particulier les « grands », qui à certains moments ont eu des moyens et une influence plus étendus que les leurs, et parfois même ont disposé d'une puissance militaire supérieure. Depuis Henri IV, les Bourbons ont réussi à mettre en place une monarchie « absolue », c'est-à-dire qui n'est soumise à l'approbation ni des aristocrates ni des parlements. Pourtant, Louis XIII règne, mais ne gouverne pas : c'est son premier ministre, le cardinal de Richelieu, qui dirige le royaume en son nom. À sa mort, les grands nobles sentent que le pouvoir est très fragile et veulent saisir l'occasion de recouvrer leurs prérogatives ; ils vont donc entrer en rebellion ouverte tandis que Louis XIV est encore un enfant : c'est sa mère qui assure la régence, mais l'homme fort du royaume est le cardinal Mazarin, que Richelieu a désigné comme successeur, et qui a tenu jusqu'à sa mort le poste de premier ministre. La « Fronde des princes » a pour principaux animateurs un militaire, Condé, un ecclésiastique, Retz, et la duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, passionaria de la rebellion.

Louis II de Bourbon (1621-1686), duc d'Enghien puis prince de Condé, dit « le Grand Condé » : Général d'armée à l'âge de vingt-deux ans, Condé remporte face aux Espagnols, dans le cadre de la guerre de Trente Ans, la décisive victoire de Rocroi (19 mai 1643). Il bat les Impériaux à Nordlingen, s'empare de Dunkerque (1646) et défait de nouveau les Espagnols à Lens (1648), ce qui contribue à la signature des traités de Westphalie avec l'Empire.
Condé complote avec les grands, désireux de recouvrer leurs privilèges : son frère, le prince de Conti, les Vendôme, les Longueville, le cardinal de Retz... Un internement au château de Vincennes, ordonné par Mazarin, l'amène à franchir le pas décisif. Il prend la tête de la Fronde des princes et marche sur Paris. Mais, son armée est battue par celle de Turenne, demeuré fidèle au roi, et n'échappe à la destruction que par le feu des canons de la Bastille commandé par la Grande Mademoiselle. Condé se révèle piètre politique. Il ne tarde pas à se faire chasser par les bourgeois de la ville, excédés de sa tyrannie.
Condé se met alors au service de l'Espagne, qui espère prendre sa revanche contre une France apparemment de nouveau affaiblie par la guerre civile. À la tête des troupes espagnoles, il remporte plusieurs victoires (Valenciennes et de Cambrai), haute trahison qui lui vaut une condamnation à mort, annulée par un pardon de Louis XIV à la suite du traité des Pyrénées, mettant fin à la guerre (1659). Après des années de disgrâce, il sollicite un commandement militaire du roi, reçu en grande pompe au château de Chantilly lors d'une fête particulièrement fastueuse (1671). Il l'obtient et s'illustrera encore dans les guerres de Dévolution et de Hollande. Pleinement réhabilité, l'ancien frondeur aura même droit à des obsèques grandioses, et à une oraison funèbre prononcée par Bossuet à Notre-Dame de Paris le 11 décembre 1686.
Paul de Gondi, cardinal de Retz (1614-1679), fut destiné dès son enfance à la carrière ecclésiastique, et devint, en 1643, coadjuteur de l'archevêque de Paris, son oncle. On sait qu'il se mêla à toutes les agitations qui troublèrent la régence d'Anne d'Autriche, et qu'il fut un ardent promoteur de la Fronde sans s'impliquer personnellement dans les combats. C'est le « théoricien » de la rebellion princière dont Condé est le principal acteur.
Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle (1657-1693). Fille de Gaston d’Orléans (oncle de Louis XIV et déjà en son temps rebelle contre le pouvoir royal), elle participe activement à la Fronde. Lors de la bataille du Faubourg Saint-Antoine, en 1652, elle fait tirer les canons de la Bastille sur les troupes royales pour couvrir la retraite de l'armée de Condé. Après la défaite du parti des princes, elle se réfugie en son château de Saint-Fargeau et y reste cloîtrée jusqu’en 1657, échappant aux sanctions.

À la suite des nobles, le Parlement de Paris se joint à la rebellion, en espérant renforcer son propre pouvoir. Finalement, les troupes royales, menées par Mazarin, finissent par s'imposer. Sérieusement mis en difficulté, le jeune roi – qui a dû fuit Paris, risquant d'être capturé - non seulement reste sur son trône, mais voit sa puissance raffermie. Les principaux instigateurs de la Fronde, liés à la famille royale, seront pardonnés, mais mis au pas.


2. Persécutions et exil des Huguenots

    Depuis sa fondation, le royaume de France est une monarchie où la foi catholique joue un rôle important. Le roi de France, au départ noble parmi les autres (primus inter pares) finira par être considéré comme un monarque de droit divin, dont le couronnement dans la cathédrale de Reims est aussi une onction: il est «sacré» roi de France et représente Dieu sur la terre. Malgré tout, la France connaît plusieurs mouvements de dissention religieuse, généralement traités comme des hérésies, et donc violemment réprimés. C'est notamment le cas des Cathares, secte fortement implantée dans le comté de Toulouse, contre qui sera déclarée une véritable croisade (dite «des Albigeois») en 1208-1244.
   À la Renaissance, le déclenchement de la Réforme (dès 1517 avec les «thèses» de Luther) va avoir un profond impact sur le royaume de France, déchiré par les «guerres de religion» pendant la plus grande partie de la seconde moitié du XVIe siècle. Cette guerre civile se conclut de manière inattendue lorsque le roi Henri III, dont le trône avait été menacé par le parti de la Ligue ultra-catholique (et son chef, le duc de Guise), désigne in extemis comme successeur son cousin Henri, roi de Navarre, qui avait jusque-là mené avec succès les troupes protestantes. Ce dernier, s'étant converti au catholicisme, promulgue en 1598 l'Édit de Nantes qui assure aux «Réformés» la liberté de culte et une intégration à la société française.
   Néanmoins, les XVIIe et XVIIIe siècle sont agités de tensions religieuses de toutes sortes: non seulement entre catholiques et protestants, mais entre courants catholiques divergents: ainsi, le quiétisme et surtout le jansénisme provoquent des crises sérieuses au sein de la religion d'État. Par ailleurs, le clergé de France, soutenu par Louis XIV, prend ses distances avec Rome et conteste l'autorité du Pape par la «déclaration des quatre articles» (1682).
  Peu après la mort d'Henri IV, le nouveau gouvernement, dirigé par un cardinal (Armand du Plessis de Richelieu), adopte une position nettement moins conciliante en exigeant que les protestants abandonnent leurs places fortes, pourtant garanties par l'Édit de Nantes, ce qui débouchera sur de nouvelles opérations militaires (siège de la Rochelle en 1627-28). Après un demi-siècle de relatif appaisement, Louis XIV ravive les tensions en reprenant le harcèlement des fidèles de la «Religion Prétendûment Réformée» pour les inciter, voire les forcer à se convertir au catholicisme.   Brimades et persécutions se font de plus en plus violentes à la fin des années 1670 avec les «dragonnades», qui consistent à stationner des troupes parmi les Protestants, les soldats ayant pour consigne de rendre la vie impossible à leurs hôtes. Le durcissement de ces mesures vexatoires atteint son paroxisme avec la révocation de l'Édit de Nantes en 1685, qui laisse les «Huguenots» vulnérables aux pires exactions; mais plutôt de se convertir, la majorité choisit l'exil: près de 200 000 personnes (10% de la population) quittent alors la France pour se réfugier dans des pays protestants, ou du moins tolérants: Angleterre, Pays-Bas, certains états allemands, mais aussi Amérique ou Afrique du Sud. Or, ces exilés appartiennent surtout à la bourgeoisise des professions libérales et commerçantes, et leur départ constitua une perte considérable pour la France, où la plupart ne revint jamais.

Ci-dessous: mis en joue par un dragon (soldat de cavalerie) dont le fusil est muni d'un crucifix, un protestant n'a d'autre solution que d'abjurer sa foi. Paris, Bibliothèque Nationale.