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2021 Guy Spielmann
Un
Immense déséquilibre social
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Plus
de 80% de la population française du XVIIe
siècle vit en milieu rural, et se compose dans sa très
grande majorité de paysans travaillant une terre
qu'ils ne possèdent pas. La célèbre gravure de «la
mouche et l'araignée» offre un raccourci saisissant de
la situation: le noble, par définition oisif, reçoit
le produit du labeur du paysan, qui doit lui céder une
partie de ses récoltes et s'acquitter de divers
impôts.
L'aristocratie, exempte de taxation, est
presque totalement improductive sous prétexte qu'elle
verse l'«impôt du sang» en combattant pour le roi et
pour le pays. En réalité, nombreux sont les nobles qui
n'embrassent pas le métier des armes, et vivent
néanmoins aux dépends du reste de la société.
Certes, les nobles ne
mènent pas tous une existence fastueuse—il y en a même
d'assez misérables—, mais leur statut reste fort
enviable si on le compare à celui des ouvriers et des
paysans; ceux-ci vivent au jour le jour et restent
toujours à la merci de crises économiques qui
provoquent des hausses subites du prix du blé (les
«crises frumentaires») se traduisant par des disettes
ou des famines. Un hiver exceptionnellement rigoureux
comme celui de 1709 fera des dizaines de milliers de
victimes dans une population dont l'alimentation se
compose presque exclusivement de pain.
Les paysans relativement
bien vêtus et bien nourris peints par les frères Le
Nain (ci-dessous) nous offrent donc une vision très
idéalisée de la dure existence de la plupart des
Français de l'époque.
De fait, jusqu'à
l'abolition des privilèges le 4 août 1789, la France
vit sous le régime de la féodalité en vigueur depuis
le Moyen Âge.
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Gravure
de Laignet: «Le Noble est l'araignée, et le paysan la
mouche.» Paris, Bibliothèque Nationale.
Cliquez sur l'image pour
voir une version plus grande.
Sur le sac au premier plan, on lit: «Plus a le diable,
plus il en veut avoir.» En haut à droite, on lit:
«Plus on a de moyens, plus on en veut avoir / Ce
pauvre apporte tout, bled, fruit, argent, salade / Ce
gros Milord assis, prest à tout recevoir / Ne luy veut
pas donner la douceur d'une œillade.»
Louis
ou Antoine Le Nain, Famille de paysans
(détail).
Paris, Musée du Louvre.
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La
société de l'Ancien régime—environ 20 millions
d'habitants au XVIIe siècle, 28 à la veille
de la Révolution—se divise d'abord en trois ordres
(et non en classes): le clergé, la noblesse
et le peuple (dit aussi «Tiers
État»). Cette organisation était à l'origine
fonctionnelle, chaque groupe assurant un rôle
particulier: le salut de la société et sa direction
morale, sa protection (la noblesse est d'abord une
caste militaire) et sa subsistance. Depuis le
Moyen-Âge, pourtant, ce système a évolué, de sorte que
le statut ne correspond plus toujours à la fonction;
mais la division la plus importante se situe entre les
privilégiés—à peine 2% de la
population—et la vaste majorité des roturiers.
Les premiers, exemptés d'impôts et de la plupart des
taxes, ne sont pas censés exercer d'activité
lucrative: ils vivent des rentes de leurs terres ou
des bénéfices que rapporte une charge. Les seconds, au
contraire, vivent de leur travail et sont soumis aux
impôts et taxes.
Chacun des trois ordres
comporte des subdivisions. Il y a un «haut clergé»,
composé des cardinaux, des évêques, archevêques et
abbés, le plus souvent de famille noble, et un «bas
clergé» plus proche du peuple sur le plan
socio-économique malgré ses privilèges: curés,
vicaires, diacres et clergé régulier (moines et
nonnes). Les distinctions de noblesse sont d'abord
fondées sur l'ancienneté du lignage, le mieux étant de
pouvoir se prévaloir d'un ancêtre dont le nom figure
dans une chronique médiévale, pour avoir par exemple
participé aux croisades: c'est la noblesse dite
«d'épée» ou de «race», celle des «gentilhommes». A
partir de 1600, pourtant, l'institution de la
«vénalité des charges» permet à de nombreux bourgeois
enrichis par le commerce ou l'industrie de s'intégrer
à la noblesse dite «de robe», qui n'est pas attachée à
une terre, mais à un office «anoblissant» qu'on
achète. Au sein de l'immense peuple, la possession
d'un savoir-faire professionnel sépare les artisans
des ouvriers (prolétaires qui ne disposent que de
l'énergie de leur corps pour gagner leur vie), tandis
que la possession d'une terre sépare les laboureurs
des paysans. Les bourgeois sont ceux qui ont accumulé
un capital par la pratique du commerce ou d'une autre
activité lucrative, ce qui peut éventuellement leur
permettre de «vivre noblement» et de préparer ainsi
leur accession à l'aristocratie. A la fin du XVIIe
siècle, la bourgeoisie est devenue véritablement une
classe, qui se pose en intermédiaire entre la roture
et la noblesse—mais qui reste pratiquement exclue de
l'exercice du pouvoir politique et supporte de moins
en moins de soutenir par le paiment des taxes la vie
oisive des nobles.
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Au
sommet de cette pyramide sociale se trouve la
famille royale: elle comprend la parenté immédiate
du monarque, ainsi que les «princes du sang» qui, à
l'occasion, pouvaient se croire aussi puissants que
le roi—lorsque celui-ci se trouva en position de
faiblesse, dans les années 1640, certains
n'hésitèrent pas à se rebeller (lors de «la
fronde»). A l'origine, le roi était un noble élu par
ses pairs (primus inter pares); plus tard,
les juristes théoriciens du pouvoir royal
instituèrent le principe d'une monarchie héréditaire
et «de droit divin», faisant du roi le représentant
de Dieu à la tête du pays.
Ce système politique
et social perdura jusqu'à la Révolution de 1789.
Voir les documents sur la Révolution.
Ressources
complémentaires
Vidéo: La Vie des
Français sous Louis XIV, série «L’Histoire au
Quotidien», Réalisé par Jérôme Korkikian
((2014 - France, chaîne M6). À retrouver sur
YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=UBS9SXGOXsw
L’historienne Marjolaine Boutet et l’animateur
scientifique Mac Lesggy présentent la vie
quotidienne des Français sous le règne du
Roi-Soleil. Pour comprendre les habitudes des gens
de cette période en matière d'hygiène, de santé,
d'habitat... il n'hésitent pas à se mêler à des
passionnés de l'époque et à essayer des pratiques
courantes du XVIIe siècle. Mac Lesggy
teste ainsi les morsures de sangsues, la lessive à
la cendre ou le lit de paille d'un paysan. Pour
illustrer au mieux le propos, les mises en
situation sont complétées par des extraits de
films et par l'éclairage de nombreux experts et
spécialistes de la période.
Vidéo au format Mp4 - Durée: 1h42
Vidéo: À
la cour du roi Louis XIV, Web Série
«Quelle aventure!» À retrouver sur YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=Q4GCsAbNlIQ
Sur un mode léger et fantaisiste, les animateurs
et vulgarisateurs Fred et Jamy nous font
découvrir la vie a la cour du roi Louis XIV,
ansi que la vie du peuple à cette époque.
Vidéo
au format Mp4 - Durée: 52 min.
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