© 2009 Dr. Guy Spielmann 
Dernière mise à jour:
25 janvier 2009


  TEXTE ET ÉCRITURE
L'analyse logique de la phrase
Voir aussi:
Les catégories grammaticales Guide de la phrase complexe

     Une analyse consiste à mettre en évidence de manière systématique et raisonnée les éléments qui constituent un ensemble cohérent.

I. la phrase simple
     Une phrase est constituée par des propositions (la phrase simple n'en contient qu'une seule) formées par l'association d'un
sujet (ce dont la phrase traite; ce dont il est question; «être ou objet dont quelque chose est affirmé ou nié» (Wilmet)) et d'un prédicat (ce que la phrase dit sur le sujet), lequel inclut généralement un verbe et ses compléments.
     Le sujet peut se présenter sous la forme d'un mot unique, nom ou pronom, ou d'un groupe nominal (ou «syntagme nominal») formé d'un nom, d'un déterminant et d'un ou plusieurs adjectifs [voir le tableau des catégories grammaticales]:

Le prédicat peut se présenter sous la forme d'un verbe, seul ou accompagné d'un complément d'objet—direct (COD) ou indirect (COI)—, auquel s'ajoutent éventuellement des compléments circonstanciels. On peut représenter ainsi ce découpage.


Ici, le prédicat (ou «syntagme prédicatif») est composé au minimum du verbe et du COD, car la phrase «Le président a prononcé» est impossible; «à l'assemblée nationale» est un groupe nominal complément circonstanciel de lieu du verbe «prononcer». Certains verbes qui n'exigent pas—ou excluent (verbes intransitifs)—le complément d'objet peuvent constituer entièrement le prédicat: «Le président a démissionné».


     On peut rajouter d'autres compléments, tant au groupe sujet qu'au groupe prédicatif, sans changer la structure de la phrase:

«Le film original d’un concert de Jimi Hendrix en 1969 à Stockholm a été retrouvé par hasard cet été dans les archives de la chaîne de télévision publique suédoise SVT.» (dépêche de l'AFP)

     En dépit du nombre de constituants, ceci reste une phrase simple, puisqu'elle ne comporte qu'un seul sujet et un seul prédicat.

     Le schéma ci-dessus n'est qu'une des nombreuses manières possibles de représenter le résultat de l'analyse; on peut aussi utiliser une structure «en arbre» (modèle de la grammaire générative), par «emboîtements» (modèle de la grammaire distributionnelle) ou encore, plus classiquement, une liste des composantes indiquant leur nature et leur fonction.
     Ce type d'analyse marche bien avec les phrases simples (comme celle de l'exemple ci-dessus) ou les phrases complexes dont la structure syntaxique reste dans le cadre d'un modèle prototypique—en français, Sujet-Verbe-Objet (SVO). Mais certaines phrases parfaitement compréhensibles et grammaticalement correctes, surtout à l'oral, se révèlent particulièrement problématiques à analyser:

«Moi, vous savez, le champagne, hein, à part dans les grandes occasions, je ne suis pas un inconditionnel.»

De même, il existe des tournures littéraires qui défient les règles ordinaires de la syntaxe:

«Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.» (La Fontaine, «Les Animaux malades de la peste.»)

Phrases elliptiques

     Certaines phrases sont seulement formées d'un seul de ces constituants (groupe nominal ou prédicatif); pour les analyser, on considère que les constituants manquants sont implicites et ont été volontairement omis:

Où vas-tu?
Au restaurant. [Je vais au restaurant.]
Qu'est-ce que tu voudrais manger?
Une pizza. [Je voudrais manger une pizza.]
Quelle est ton restaurant préféré?
«Don Corleone» [«Don Corleone» est mon restaurant préféré.]
Quelle est leur meileure pizza, à ton avis?
—Chorizo
. [Leur meilleure pizza est celle au chorizo.]



Le sujet «logique», ou Thème

     L'analyse du sujet comme «ce dont la phrase traite» ne correspond pas toujours à la structure grammaticale. Au sens strictement grammatical, on appelle «sujet» ce qui accomplit l'action ou le procès désigné par le verbe: «Paul mange une pomme» (action) «Paul mesure 1m78» (procès). Note: En français, la présence d'un sujet grammatical est obligatoire, sauf à certaines formes de l'impératif (deuxième personne et première personne du pluriel: «Viens ici!»; «allons au marché!»; «Prenez place!»), ainsi qu'à l'infinitif et au participe présent.
    Du point de vue du sens (et non de la structure), on parlera donc de «sujet logique» ou thème, qui peut être constitué par n'importe quelle composante de la phrase par effet de topicalisation:

  • C'est de la pizza que je veux manger, pas de la quiche.
  • Un jour, je serai riche.
  • Libres nous sommes, et libres nous resterons.
  • Il y a des détails dont je ne parlerai pas.

Note: La topicalisation est fréquemment soulignée par diverses formes de focalisation, y compris les formules «Il y a ... que...» et «C'est .... que...», indispensables en français où une focalisation purement intonative n'est souvent pas possible. Comparer:

Anglais: «He gave it to me.» (focalisation réalisée à l'oral par une accentuation du mot (glissando mélodique))
Français: «C'est à moi qu'il l'a donné.» (focalisation réalisée à la fois par un moyen syntaxique et par l'accentuation de «moi» qui devient le nucleus intonatif de la phrase.)

Dans le cadre d'une logique des propositions, et non de la structure syntaxique, l'analyse de la phrase dégage alors deux constituants: le thème (sujet logique) et le rhème, ou commentaire.

 

Sujet grammatical «apparent» et «réel»

     Il arrive que le sujet grammatical ne soit pas ce qui accomplit l'action ou le procès désigné par le verbe; en français, le cas le plus fréquent est celui des verbes dits «impersonnels», où le pronom «il» qui sert de sujet ne renvoie à rien: «Il pleut», «il manque un étudiant». Dans le second exemple, on dit que «un étudiant» est le sujet réel du verbe «manquer», tandis que «il» en est le sujet apparent.

[HAUT]
II. la phrase complexe: juxtaposition, coordination et subordination

   Une phrase complexe est constituée par plusieurs propositions, liées de trois manières possibles.

I. La juxtaposition
  Elle consiste à placer des propositions l'une à la suite de l'autre en utilisant seulement la ponctuation: virgule, point-virgule, deux points, parenthèses et tirets.

«Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu.»
«Il fait trop froid ici; allons dans un autre pièce.»

«Nous n'avons plus qu'une seule possibilité: donnons-lui ce qu'il demande.»
«Elle est sortie sans un mot (avait-elle le choix?).»
«Mes parents quittèrent l'Algérie en 1961—ce ne furent certes pas les seuls!»

Cette possibilité reste, à l'écrit, d'un usage limité.

II. La coordination
  Elle consiste à lier des propositions à l'aide d'une conjonction de coordination: «mais», «ou», «et, «donc», «or», «ni», «car». Solution pratique—le nombre de conjonctions est très limité, et l'opération ne nécessite presque aucun ajustement—, elle reste néanmoins d'usage limité à l'écrit, car elle exige que les propositions soient parallèles. Dans l'exemple suivant, elles ont le même sujet et une même structure de base Sujet-Verbe-COD:

«Le ministre de l’intérieur a déclaré l’état d’urgence dans les départements du Gard et de l’Hérault avant l’arrivée des pluies diluviennes prévues dans les jours prochains, car il craint la répétition des problèmes survenus lors des innondations de 1999.» (Dépêche de l'AFP.)

    Ici, la seule opération nécessaire est la pronominalisation du nom sujet (le ministre > il) dans la deuxième proposition.
   Pour l'analyse, on dira
donc que la deuxième proposition est coordonnée à la première, nommée «proposition principale».

III. La subordination et autres procédés de structuration complexe.
  La subordination consiste à lier des propositions à l'aide d'une conjonction de subordination: «quand», «bien que», «comme», «si», «avant que», ect. Parfois moins simple à mettre en pratique, elle est nécessaire à l'expression des nuances dans les rapports de sens entre les diverses propositions, et indispensable lorsque les propositions ne sont pas parallèles, ou si l'on doit enchâsser plusieurs propositions les unes dans les autres. Elle nécessite parfois des ajustements multiples, en particulier dans les formes verbales (pour respecter la «concordance des temps».
  La subordination relative consiste à lier des propositions à l'aide d'un pronom relatif. Cette solution nécessite la présence dans la proposition principale d'un substantif référent (nom ou pronom)

«Patissot, en s'en allant, fut pris d'une immense considération pour cet homme, non pas tant à cause de ses grands succès, de sa gloire et de son talent, mais parce qu'il mettait tant d'argent pour une fantaisie, tandis que les bourgeois ordinaires se privent de toute fantaisie pour amasser de l'argent.» (Guy de Maupassant, Contes parisiens.)

  Cette phrase comprend une proposition principale [P1], et deux propositions subordonnées [P2] et [P3], qui est enchâssée dans [P2]. Les deux autres verbes (amasser et allant), en revanche, ne forment pas de propositions, mais jouent le rôle de compléments, parce qu'ils sont régis par des prépositions et n'ont pas de sujet propre.