Dernière mise à jour:
30 aoüt 2024

Protocole de citation de cette page
 Introduction à la communication

Analyse communicative
La Compétence communicative
Exemple: Paramètres de la conversation face-à-face

© 2024 Dr. Guy Spielmann

La Compétence communicative
     La notion de « compétence communicative » est relativement récente dans l'étude des langues et leur enseignement ; on peut la faire remonter au travail de l'anthropologue américain Dell Hymes dans les années 1970, construit sur une critique du postulat de Chomsky 'compétence vs. performance'. (Dell H.Hymes, Vers la compétence de communication [On Communicative Competence, 1972], trad. France Mugler, Paris, Hatier/Didier, 1991). Le problème a été d'élaborer une notion de « compétence » qui ne se ramène pas, sous une forme plus ou moins adaptée, à la compétence purement linguistique, c'est-à-dire en fait la mise en œuvre d'un certain lexique et l'application de règles morpho-syntaxiques et sémantiques (de « grammaire »). Au départ, en effet, la compétence s'est définie restrictivement comme la capacité à produire effectivement des énoncés corrects dans une langue donnée, par opposition à une connaissance théorique, avant d'intégrer d'autres types de capacités allant au-delà du cadre linguistique.
     Divers modèles ont été proposés, dont certains conservaient une hiérarchie où la compétence linguistique dominait les autres, ou bien qui ne distinguaient pas toujours clairement entre une fonctionnalité communicative et les matériaux linguistiques qui peuvent lui servir de support. De nouvelles théories de la communication ont considérablement relativisé l'importance du langage, en affirmant au contraire le rôle déterminant d'autres systèmes signifiants comme l'utilisation des gestes, de la distance, ou encore l'activation de schèmes communicatifs sanctionnés par telle ou telle culture.
     La compétence communicative, notion englobante, ne correspond pas à une entité unique, mais à une somme d'éléments dynamiques en relation d'influence mutuelle, et qui se recoupent. Le tableau ci-dessous offre une synthèse raisonnée et corrigée des divers modèles qui ont été élaborés.
Je propose de distinguer trois grands domaines de compétence, sémiotique, stratégique et socio-linguistique, qui se recoupent partiellement, et qui englobent chacune un certain nombre de compétences particulières.



La compétence sémiotique est la capacité à utiliser divers systèmes signifiants primaires, comme le geste ou l'espace, ainsi que les systèmes dérivés, comme le vêtement, les codes sociaux et professionnels, etc. Le langage, s'il figure au premier rang de ces systèmes de par sa souplesse et les possibilités combinatoires presque illimitées qu'il offre, n'est pourtant pas toujours le plus efficace. Si donc on lui réserve une place à part, on ne le place pas « au-dessus » des autres systèmes. Au sein de ce domaine se situe la compétence proprement linguistique, celle qui a traits aux divers aspects du langage (zone grisée), et, encore plus restrictivement la compétence « grammaticale » (matérialisée par le carré jaune) terme qui englobe la compétence syntaxique, morphologique, sémantique et, dans une certaine mesure, phonologique.

La compétence socio-culturelle consiste à exploiter sa connaissance de codes culturels et sociaux, linguistiques ou non. Elle inclut notamment la compétence référentielle qui est la connaissance de certains lieux, faits, personnages, symboles, produits, etc, partagée par une majorité des membres d'un groupe social.

La compétence stratégique est surtout la capacité à (bien) choisir et d'agencer les divers types de sous-compétences vers une efficacité maximum dans l'accomplissement d'une tâche donnée. Une précision importante qu'il convient d'apporter ici est que ce terme de « compétence communicative » au singulier est trompeur: nul n'est généralement compétent, ou au moins ne l'est de manière uniforme. On distinguera donc des degrés de compétence et surtout des situations bien définies.


Exemple: Paramètres de la conversation face-à-face

       L'instance la plus banale de la communication est sans doute ce qu'on appelle la « conversation », qu'on peut définir comme un échange verbal synchrone continu dans le temps sans contraintes topicales préétablies entre deux interlocuteurs se faisant face. Ces précisions, quelque peu fastidieuses en apparence, sont nécesssaires pour caractériser la conversation proprement dite, dont les participants sont en contact à la fois visuel, auditif, mais aussi olfactif et parfois tactile (contrairement à la conversation télephonique, par exemple, ou à l'échange de messages sur un babillard électronique). La conversation met donc forcément en œuvre, outre le langage, plusieurs systèmes signifiants (c'est-à-dire des « codes »).
     Le caractère « informel » qu'on attribue communément à conversation ne doit pas faire illusion: c'est une interaction qui a ses règles, et qui implique la maîtrise de multiples compétences. On peur ranger les interactions communicatives sur un spectre allant du rituel d'une part — c'est-à-dire d'un échange entièrement scripté, où la latitude accordée à chaque communicant est faible, voire nulle—à la conversation d'autre part, où la latitude (ce qu'on dit, comment on le dit) est maximale. Bien sûr, l'existence de règles ne signifie pas qu'elles sont toujours observées scrupuleusement, mais permet de fixer un horizon d'attente; enfreindre ces règles peut engendrer des effets plus ou moins graves: incommoder ou blesser son interlocuteur, ne pas se faire comprendre, échouer à un examen ou pire: si lors d'une cérémonie de mariage les contractants ne répondent pas à la demande de l'officiant par la formule affirmative convenue (« oui » en France, « I do » aux États-Unis), ils ne seront pas légalement mariés.

Hautement formalisé (convergent)                                                                                               Faiblement formalisé (divergent)
<--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------->
Mariage, investiture (politique),     Entretien d'embauche,             Interview dans les média                                           Conversation
intronisation (club),                      examen oral, débat

    J'indique ici les pricipales composantes des systèmes linguistiques et non linguistiques utilisés dans la conversation, ainsi que divers phénomènes cognitifs qui influent sur leur fonctionnement. La plupart se retrouvent dans d'autres types d'interactions communicatives.
     Je laisse en revanche de côté le « décor », c'est-à-dire les circonstances de la communication (lieu, moment de la journée, période de l'année, température ambiante, etc...) qui ne sont pas directement liés aux communicants, mais qui exercent une influence parfois déterminante. Par exemple, un serment (« Je le jure ») prêté chez soi, dans la rue, dans un magasin, etc. n'implique qu'une contrainte morale, alors qu'il prendra un caractère légal s'il est prononcé dans un tribunal, sur la demande d'un juge (et, aux U.S.A., sur la bible).      Naturellement, une analyse n'est pas tenue de traiter de tous ces paramètres exhaustivement, mais, même lorsqu'elle s'attache aux phénomènes qui portent le plus de sens, elle doit refléter la conscience que d'autres facteurs existent et exercent une influence, même subtile.
     Ce document offre deux lecture possibles, l'une linéaire, l'autre hypertextuelle, à l'aide du menu ci-dessous. A travers le corps du texte, des renvois hypertextuels permettent de passer à d'autres parties du texte par contiguïté thématique. Utilisez la fonction « retour » (touche back) de votre navigateur pour retracer vos pas.

     Il est également possible d'aborder l'analyse à partir de l'infographie, qui visualise un certain nombre de facteurs sur une seule image.

PHASES D'UNE CONVERSATION

Une conversation est un événement linéaire qui se déroule dans le temps, avec un début, un milieu et une fin.

AXE DU TEMPS
------------------------------->------------------------------------------------------>------------------------------------->

Mise en œuvre
(salutation, interpellation…)
E
M
R
A
Y
A
G
E
Sujet initial
T
R
A
N
S
I
T
I
O
N
Sujet(s) éventuel(s)
D
E
B
R
A
Y
A
G
E
Clôture
(salutation, projets…)

Facteurs linguistiques
Au niveau de l'énoncé
Phonologie Intonation
Prosodie Vocabulaire
Morphologie  Syntaxe
Niveau de langue
 Au delà de l'énoncé
Stratégies discursives Acte de parole
Stratégies rhétoriques Univers du discours
La Présupposition
Facteurs extra-linguistiques
Fonctions communicatives
Systèmes signifiants non-linguistiques
Mouvement Proxémique
 Stratégies communicatives Vécu des communiquants
« Culture »
   Phénomènes cognitifs liés à la communication
Interaction entre systèmes signifiants

Complémentarité Contradiction Redondance

Bruit
Décodage
Déixis
Domaine de connaissances
Implicite et implication
Inférence
Présomption
Redondance
Référence
Rôles communicatifs
Schèmes communicatifs

I) Facteurs linguistiques

A. Au niveau de l'énoncé

1) La Phonologie - l'accent (compétence phonologique < champ sémiotique)

     C'est le système des unités sonores (phonèmes) utilisés dans une langue, définies par les possibilités d'opposition pertinentes entre elles. Cette approche relationnelle l'oppose à celle de la phonétique, qui s'intéresse à la description accoustique et articulatoire des sons du langage. Ainsi, en phonologie, toutes les prononciations possibles du / i / français ne modifient pas sont statut d'unité, opposable par exemple à / y / (« pli » ~ « plus ») ou / e / (« parti » ~ « partez »), alors qu'en anglais la différence d'ouverture entre / i: / et / i / produit deux phonèmes, puisqu'on peut opposer « bean » ~ « bin ».
   Pour l'analyse de la conversation, le rôle de la phonologie se manifeste à travers le phénomène de l'accent, qu'on peut définir comme un ensemble cohérent et constant de variantes phonologiques collectives au sein d'une même langue. L'accent touche à la fois les phonèmes (par exemple le / r / roulé des Bourguignons, le / a / postériorisé des Québécois, le / ei / diphtongué des Belges, etc.), et la courbe mélodique des énoncés (accent « traînant », « chantant », etc.). Il ne véhicule aucun sens particulier, tout en fournissant des informations sur le vécu du locuteur : origine géographique, ethnique, nationale, socio-économique, etc. En revanche, un locuteur qui adopte un accent qui n'est pas le sien à l'origine produit un effet de sens, dans un but humoristique (moquerie essentiellement) ou mimétique (pour se fondre dans une communauté linguistique, se faire accepter, espionner, etc)

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2) L'Intonation  (compétence prosodique < champ sémiotique)

     Ce terme désigne les variations de hauteur des tons sur l'ensemble d'un énoncé, qui relèvent du code parce qu'elles apportent un sens en fonction de certaines conventions.
    Le codage peut être grammatical—par exemple, pour transformer une assertion (« Tu viens ») en question (« Tu viens ? »), ou en ordre (« Tu viens ! »). Dans ce cas, l'intonème (unité d'intonation) fonctionne exactement comme un morphème (unité de sens); dans les exemples ci-dessus, il est équivalent à l'inversion sujet-verbe (« Viens-tu ? ») ou l'addition du morphème invariable « est-ce que » (« Est-ce que tu viens ? ») pour la question, et à l'emploi du mode impératif (« Viens ! ») pour l'ordre.
     Le codage peut-être aussi expressif, et servir à marquer la colère, la joie, la surprise, etc. Ce codage est évidemment moins strict que le précédent, sauf lorsqu'il est ritualisé dans certaines formules idiomatiques ou dans la diction théâtrale. Dans le cadre communicatif, on peut néanmoins postuler qu'un énoncé du type « Je suis surpris que tu aies réussi à l'examen » équivaut fonctionnellement à « Tu as réussi à l'examen ! » prononcé avec une intonation de surprise (éventuellement accompagnée d'une gestuelle qui la renforce).

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3) La Prosodie (compétence prosodique < champ sémiotique)

     La prosodie désigne les variations de ton, de hauteur, d'intensité et de longueur qui affectent les syllabes, unités plus grandes que le phonème, avec une fonction distinctive (en Anglais, différence entre concrete, adjectif, « concret », et concrete, nom, « du béton »), démarcative (séparer les mots) ou culminative (séparer les groupes de mots : « L'homme heureux n'a pas de chemise » ~ « L'homme, heureux, partit en chantant »).
     L'utilisation la plus fréquente de la prosodie se trouve sans doute dans la mise en valeur de certains mots et groupes de mots, l'« accentuation » (à ne pas confondre avec l'accent):

— Tu veux jouer à la belote?
— A la pelote basque? Quelle idée saugrenue!
— J'ai dit à la belote, pas à la pelote!

   En français, il n'existe pas d'accent distinctif (contrairement à l'anglais, à l'italien, au chinois...), et l'accent de mot tombe invariablement sur la dernière syllabe du mot ou du groupe de sens:

«un enfant»
«un petit enfant»
«un petit enfant bien éle»

Seule exception, l'accent expressif ou émotif, comme par exemple dans l'exclamation « C'est vraiment incroyable ! » ou la première syllabe d'« incroyable » porte un accent d'intensité et de hauteur qui magnifie le degré de la surprise exprimée, sans pour autant changer le sens du mot.

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4) Le Vocabulaire (compétence lexicale < champ sémiotique)

     Alors que le lexique représente l'ensemble des mots dont dispose une langue donnée, le vocabulaire désigne l'ensemble des mots qui sont effectivement utilisés dans le discours. Il n'existe ainsi qu'un seul lexique du français, mais chaque francophone utilise un vocabulaire plus ou moins étendu, et qui varie d'un individu à l'autre. Il est néanmoins difficile d'étudier le vocabulaire individuel sans disposer d'un large corpus, alors qu'il est beaucoup plus aisé de définir le vocabulaire d'un groupe (social, professionnel, etc.).
     Deux formes du vocabulaire sont facilement perceptibles: le jargon, vocabulaire technique ou spécialisé propre à un secteur d'activité (il y a un jargon des linguistes, des programmeurs, mais aussi des philatélistes ou des skieurs), et l'argot.
     Techniquement, un argot est un vocabulaire parallèle dont l'emploi répond à un double but : reconnaissance entre membres d'un groupe donné, et exclusion des étrangers au groupe. Historiquement, il appartenait aux milieux de la pègre, les criminels ayant tout intérêt à parler une langue qui ne soit pas compréhensible du grand public. En français, un certain nombre de mots argotiques ont été intégrés au lexique, et sont désormais perçus comme simplement familiers : bouquin, bagnole, godasse, mec, bosser, etc. Leur usage appartient donc au domaine du niveau de langue et du registre.

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5) La Morphologie (compétence morphologique < champ sémiotique)

     
La morphologie désigne l'étude de la forme des mots (par opposition à leur sens), et reconnaît comme niveau de pertinence celui du morphème, plus petite unité sonore porteuse de sens. L'ensemble des variations possibles d'un morphème en un même point de la chaîne parlée constitue un paradigme.
     La morphologie offre peu de liberté au locuteur. Celle-ci relève principalement du niveau de langue, et ne touche qu'un petit nombre de formes: la négation (qui perd sa première composante, le « ne », dans le niveau familier), la réduction de plusieurs pronoms relatifs (notamment « dont ») à « que », l'emploi de certains modes et temps verbaux de préférence à d'autres (par exemple le présent du subjonctif plutôt que l'imparfait que la concordance des temps exigerait, ou le subjonctif avec « après que » à la place de l'indicatif).
     Il faut également tenir compte du fait qu'un locuteur prendra à l'oral des libertés qu'il s'interdira à l'écrit. Bien que les exemples cités ci-dessus puissent sembler constituer des fautes par rapport au « bon usage », ils reflètent des habitudes linguistiques tellement répandues chez les locuteurs du français (même éduqués) qu'on les considère le plus souvent comme conformes à une « grammaire de la langue parlée », ce qui les distingue des formes agrammaticales (qu'aucun locuteur natif ne produirait), dites aussi « barbarismes », typiques de l'apprenant de langue seconde.

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6) La Syntaxe (compétence syntaxique < champ sémiotique)

     C'est l'ensemble des règles d'agencement des morphèmes le long de la chaîne parlée (selon l'axe syntagmatique). Ces règles peuvent seulement spécifier ce qui est possible et impossible (par exemple, « Pierre boit un verre d'eau » est possible, mais « boit un Pierre d'eau verre » ne l'est pas), mais aussi les changements de sens liés à la variation de l'ordre des morphèmes (différence entre « un hôpital ancien » et « un ancien hôpital », entre « Pierre bat Paul » et « Paul bat Pierre »).
     La construction des phrases en français diffère beaucoup à l'oral et à l'écrit (contrairement à l'anglais, qui doit sans doute à cette particularité une partie de son succès planétaire). Cela dit, le niveau soutenu, même à l'oral, se distingue par une syntaxe « forte » exprimée dans la complexité des phrases et l'utilisation de conjonctions de subordination. Le niveau relâché se caractérise en revanche soit par la parataxe (accumulation de propositions sans que les rapports de coordination ou de subordination soient explicités), soit par une syntaxe « faible » (prédominance de la conjonction de coordination : « mais », « et », « donc »), ou bien encore par des ruptures de syntaxe (ou asyndète: la structure initiale d'une phrase, abandonnée avant d'avoir été menée à son terme, est remplacée par une autre).

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7) Le Niveau de langue et le registre (compétence lexicale < champ sémiotique)(compétence socio-linguistique < champ socio-culturel)

     C'est un phénomène dont l'analyse appartient au domaine de la sociolinguistique. Pour une langue donnée, on observe toujours au moins trois niveaux : courant (ou « standard »), soutenu et relâché (ou « familier »). Le niveau soutenu caractérise une élite sociale dont les valeurs culturelles servent de modèle ; dans le cas du français, il est aussi celui de la langue écrite soignée.
     Chaque niveau peut admettre des variantes, comme par exemple le français épistolaire, qui appartient au niveau soutenu, mais exige l'emploi d'un vocabulaire et de conventions rhétoriques qui lui sont propres.
     Le registre désigne l'amplitude de niveau d'un locuteur donné, c'est-à-dire sa capacité de passer d'un niveau à un autre selon les circonstances. D'un point de vue communicatif, il peut être tout aussi problématique d'utiliser une langue trop soutenue pour le contexte, que de ne pas pouvoir passer au niveau soutenu lorsque cela est indiqué. Les apprenants de langue seconde éprouvent souvent des difficultés à s'intégrer conversationnellement dans la culture-cible parce qu'on leur enseigne seulement le niveaux courant et soutenu, d'où un effet d'hypercorrection.
     Le niveau peut affecter l'ensemble des composantes linguistiques (phonologie, morphologie, syntaxe, vocabulaire...), et ne se résume donc pas à un répertoire lexical, contrairement à ce qu'on s'imagine parfois. Les différences de niveau au sein d'un même discours donnent une impression d'étrangeté qui devient facilement comique. Un auteur comme San Antonio (Frédéric Dard) tire de savoureux effets du mélange de l'hypercorrection syntaxique et morphologique avec un vocabulaire et un contenu d'une extrème vulgarité.
     Les linguistes ne reconnaissent généralement pas de niveau « vulgaire », bien que les dictionnaires fassent la distinction. Ceci est dû au fait que seuls les mots peuvent être vulgaires (et non pas la syntaxe, ni la morphologie), mais aussi que la perception de vulgarité dépend beaucoup du contexte, et peut changer avec le temps. Ainsi le mot « merde » et ses dérivés ( merdeux », « merdique », « merder », « merdier », « emmerdeur », etc.), assurément vulgaire au départ, n'est plus désormais que familier. Le mot « con » reste vulgaire lorsqu'il désigne le sexe de la femme (latin cuneus), mais il est aussi devenu familier dans le sens d'« imbécile » et ses formes dérivées (« connerie », « déconner », « connard » etc.).

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 B. Au delà de l'énoncé

1) Les Stratégies discursives (compétence discursive < champ sémiotique/ champ socio-culturel / champ stratégique)

     
On parlera de stratégies discursives pour désigner tous les moyens mis en ordre pour agencer des énoncés afin de composer un discours (défini comme l'unité supérieure à l'énoncé). Ces stratégies visent à obtenir un ensemble non seulement cohérent, mais intéressant, amusant, intriguant, etc. selon l'effet qu'on veut produire sur l'interlocuteur. La discursivité est donc ce qui donne à une suite d'énoncés la qualité de discours — cohérence, unité et but — et la distingue ainsi d'une simple accumulation. De façon plus simple, on peut opposer la capacité de générer des phrases (compétence morpho-syntaxique) à celle de générer un discours.
     A l'écrit, on parlera plutôt de texte que de discours, à moins qu'on veuille définir le texte plus strictement comme l'instanciation d'un discours.

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2) Les Stratégies rhétoriques (compétence rhétorique < champ sémiotique/ champ stratégique)

     On peut dire pour simplifier que la rhétorique consiste à manipuler consciemment le langage (généralement à partir de « recettes » bien définies) en vue d'obtenir un effet quelconque sur le récepteur. Conçue à l'origine pour les besoins du discours public dans la Grèce antique, puis à Rome, la rhétorique a constitué un savoir essentiel de toute personne éduquée jusqu'à l'aube du XXe siècle, et bénéficie d'une tradition riche et complexe. Or, tout locuteur d'une langue, si inculte soit-il, a appris à utiliser certaines ressources rhétoriques pour s'exprimer. Les plus connues sont les « figures » que tout un chacun pratique au quotidien (la métaphore, la synecdoque, la métonymie, l'hyperbole, la litote, etc.) et qui sont circonscrites à l'énoncé.
     On parlera de stratégie rhétorique pour tout ce qui concerne l'organisation et l'agencement du discours. Si par exemple l'on doit formuler une critique, on pourra d'abord commencer par faire des compliments pour sembler plus objectif, ou pour s'attirer la sympathie de l'auditoire (captatio benevolentiae), ou encore affirmer qu'on ne dira pas ce qu'on est précisément en train de dire (prétérition). L'utilisation d'arguments-types (les « lieux communs » (topoï)), la planification du discours selon la structure le plus efficace possible (la dispositio) et son enrichissement à l'aide de procédés divers (l'elocutio) ont été méticuleusement étudiés et codés par la rhétorique avant de passer dans l'usage courant.

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3) L'Acte de parole (compétence pragmatique < champ sémiotique/ champ socio-culturel / champ stratégique)

     L'acte de parole est un énoncé considéré à la fois dans sa matérialité (acte locutif) et dans l'intention communicative du locuteur (acte illocutif), que l'on peut qualifier selon un nombre limité de fonctions. On parle d'éffet perlocutif pour désigner ce que l'acte de parole provoque chez l'interlocuteur.
     Cette approche a l'avantage de séparer la forme et la fonction des énoncés: on n'utilise pas toujours une structure interrogative pour formuler une demande, ni une structure impérative pour formuler un ordre, etc. Oscar Wilde disait qu'un fâcheux est quelqu'un qui commence à vous parler de sa santé lorsque vous lui demandez comment il va ; le plus souvent, en effet, l'énoncé « Comment allez-vous ? », en dépit de sa forme interrogative, n'appelle pas de réponse circonstanciée, mais une formule également convenue comme « Très bien, et vous ? ».
     C'est grâce à notre capacité d'inférence que nous sommes le plus souvent en mesure d'interpréter correctement l'intention de communication lorsqu'elle n'est pas clairement indiquée par le sens de l'énoncé.

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4) L'Univers du discours

     Puisque tout discours (et tout texte) existe dans une dimension physique (temps et/ou espace), le sens d'un mot ou d'un énoncé s'établit en fonction de l'information déjà disponible. Ainsi fonctionne par exemple le phénomène de l'anaphore, qui anticipe sur ce qui va venir ; l'utilisation de nombreux pronoms suppose un antécédent déjà identifié ; un mot ou une expression répétée plusieurs fois au cours d'un même discours finit par se charger d'un sens qu'ils n'avaient pas à la première apparition, etc. 
      Au sens (niveau de la sémantique) et à la référence (à une réalité extérieure, ou au contexte de l'énonciation) s'ajoute donc un système de relations interne au discours ou au texte, qui reste en expansion jusqu'à ce que la prise de parole, la lecture, l'audition soit terminée: c'est ce qu'on appelle l'univers du discours.
      Maîtriser l'univers du discours exige des compétences relationnelles qui ne sont pas proprement communicatives, mais aussi à l'occasion des compétences lexicales (adverbes, formules comme « insi que nous le disions plus haut »), discursives et rhétoriques.

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5) La Présupposition

     En termes de logique, on dit qu'une proposition A présuppose la proposition B, lorsque B est vraie seulement lorsque A est vraie ; dans le cadre de la communication, ce rapport lie deux énoncés, dont l'un, le présupposé, n'est pas explicité. Exemple classique: « Le roi de France est sacré à Reims » présuppose « Il existe un roi de France ».
     La présupposition ne renvoie pas à la réalité, mais exprime seulement le rapport entre deux énoncés : dans l'exemple ci-dessus, une présupposition existe même s'il n'y a plus de roi de France depuis 1848.  On peut alors considérer que le présent de l'indicatif fonctionne comme « présent historique » ou comme « présent intemporel ».
     La présupposition, relation logique de validité entre propositions ou énoncés, se distingue de l'implication, qui concerne plus largement l'information transmise.

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II) Facteurs extra-linguistiques

A. Les Fonctions communicatives

     Toute communication suppose des motivations ou des buts dont divers chercheurs on tenté de dresser la taxinomie. L'une de celles à laquelle on fait souvent référence est due à Roman Jakobson, qui postule six fonctions relatives à six éléments fondamentaux de la communication, selon que la focalisation se fait sur l'émetteur (fonction expressive ou émotive), le code (fonction métalinguistique), le message (fonction poétique), le contexte (fonction référentielle), le récepteur (fonction conative), le contact entre émetteur et récepteur (fonction phatique).
     Cette dernière fonction permet de prendre en compte les échanges communicatifs qui véhiculent très peu d'information au niveau des énoncés, mais où le sens du message renvoie au désir de maintenir une relation. C'est ce qu'on observe lors des échanges de « banalités » (sur le temps qu'il fait, la santé, les derniers résultats sportifs, etc.) et de formules ritualisées lors de rencontres brèves où les circonstances rendent inutile, indésirable ou imposible un échange d'information. Si l'on « ne dit rien » lors de telles interactions, le message a bien un sens, qu'on peut déterminer comme suit:

  • reconnaissance (ou désir de faire connaissance, s'il s'agit d'une première rencontre)
  • volonté d'entretenir la relation; l'absence de salut ou d'échange de banalités signalant a contrario une rupture plus moins sérieuse et définitive de ladite relation (ou le manque de désir de nouer une relation).

On pourrait dire que le sens du message de type phatique se construit globalement (quels que soient les énoncés employés) par opposition à la possibilité d'une absence de message (phénomène du « signifiant zéro »).

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B. Systèmes signifiants non-linguistiques

1) Le Mouvement (compétence gestuelle < champ sémiotique/ champ socio-culturel / champ stratégique)

     Etudié par la kinétique (ou kinésique, ou kinesthétique), le mouvement peut se subdiviser en gestuelle (utilisation des membres), posture (positionnement général du corps), et mimique (expressions du visage). Si le sens de tel ou tel mouvement est rarement difficile à interpréter, il s'avère toujours malaisé de postuler l'existence d'un véritable code kinétique et
d'en décrire le fonctionnement. Les répertoires de gestes et d'expressions, parfois remarquablement détaillés et accompagnés de croquis ou de photos, n'ont jamais débouché sur une compréhension systémique qui permettrait d'établir une « grammaire du geste », et d'assigner un sens particulier à chaque geste, éventuellement décomposé en unités plus petites (ce qu'on opposera aux langages par signes — des sourds ou des moines Trappistes — ou encore la gestuelle précisément codée de la danse balinaise). Les gestes, les postures et les mimiques, culturellement déterminés, sont particulièrement difficiles à saisir pour les étrangers au groupe ; mais cela n'en fait pas pour autant un système signifiant au sens propre. Reste la possibilité d'analyser leur fontionnement communicatif, surtout intéressant du fait des interactions avec d'autres éléments, en particulier le langage.
     On pourra au moins chercher à distinguer:

  • Le geste expressif ou affectif, qui indique un état du communicant (intérêt, ennui, réceptivité, distraction, compréhension, incompréhension) propre à influer sur l'usage linguistique, mais sans renvoyer à un sens précis.
  • Le geste déictique, qui explicite une référence en complémentarité du linguistique (« C'est à toi, ça ? » prononcé tout en montrant du doigt un objet) ou en redondance (« C'est à toi, cette veste ? » en montrant la veste en question). Cette référence peut rester extrêmement vague, comme par exemple dans les mouvements de mains qui « miment » plus ou moins symboliquement ce qui est dit ; il peut s'agir alors d'une gestuelle d'accompagnement, d'intensité et de signification variable selon les cultures.

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2) La Proxémique (compétence proxémique < champ sémiotique/ champ socio-culturel / champ stratégique)    

    C'est l'utilisation de l'espace à des fins communicatives. Le cas le mieux connu est celui de la distance que deux interlocuteurs maintiennent entre eux ; elle est à la fois culturellement déterminée et variable en fonction des rapports (affectifs, hiérarchiques, sociaux, professionnels...) qui lient les interlocuteurs.

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3) Les Stratégies communicatives (compétence stratégique  < champ stratégique)

     Par « stratégie communicative », on désignera tous les moyens mis en œuvre pour affecter le processus de communication (y compris ceux déja identifiés ci-dessus), mais en particulier ceux qui interviennent à un niveau plus général que celui du discours. Pour reprendre l'opposition traditionnelle stratégie ~ tactique, on pourait donc dire que la gestion de l'acte communicatif relève de la stratégie, alors que l'organisation discursive s'apparente à la tactique.
     Citons par exemple les stratégies de prise de parole (parler, écouter, interrompre, répondre en écho, reprendre ce que dit l'interlocuteur ou changer de sujet, etc.), l'implication plus ou moins grande dans l'interaction, le respect ou la violation délibérée des règles d'étiquette, ou encore l'exploitation de connaissances psychologiques ou sociologiques sur l'interlocuteur ou la situation d'interaction afin de mieux contrôler celle-ci.
      Dans un débat politique entre deux candidats à une élection, par exemple, chaque participant peut choisir de répondre point par point à ce que l'autre a dit, ou bien utiliser son temps de parole pour exposer ses propres arguments, sans se préoccuper de la substance de l'intervention de son adversaire. Il peut adopter une posture « fermée » (bras croisés, air sévère) pour signifier qu'il désapprouve la politique de son rival, ou au contraire une posture « ouverte » pour mettre l'accent sur ses propres qualités de transparence, de convivialité. Le choix des sujets abordés (et évités) constitue un autre élément stratégique.
     Une fois ces choix effectués, chacun peut encore jouer sur la longueur et la complexité de ses phrases (pour paraître érudit et compétent, ou au contraire simple et « près des gens »), un vocabulaire qui pourra varier selon sa couleur politique (« camarades », « république », « citoyen », « national »), ect; mais il s'agit là d'éléments discursifs plutôt que communicatifs.

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4) Le Vécu des communicants (compétence référentielle  < champ socio-culturel)

      Chaque être humain apporte à l'interaction communicative un vécu qui lui est propre : origines, milieu, sexe, expériences, habitudes. L'utilisation des ressources linguistiques et communicatives doit être interprétée si possible en fonction de ce vécu, mais on peut considérer aussi qu'elle le reflète, ou parfois même qu'elle le « trahit » indépendamment de la volonté de l'émetteur (c'est par exemple le cas de l'accent, ou de traits physiques comme la couleur de la peau).
     Le rôle du vécu est particulièrement important dans tout ce qui implique une appréciation, un jugement de valeur: La référence de « Cette voiture est chère », par exemple, s'analyse de deux manières différentes, l'une relativement plus objective, si le jugement se fait par rapport à une moyenne du prix des voitures (ou du moins dans une catégorie de voitures déterminée) ; l'autre plus subjective, qui varie en fonction du vécu : la personne issue d'un milieu modeste va trouver « chère » une voiture dont le prix semble tout à fait raisonnable à une personne issue d'un milieu aisé. L'importance du vécu est d'autant plus grande lorsque le discours comporte des marques d'énonciation; « Cette Ferrari coûte six cent mille euros » a une latitude d'interprétation beaucoup moins grande que « Cette voiture est chère ».
      Le vécu est également lié au domaine de connaissances, dont il constitue l'arrière plan (le contexte où les connaissances ont été acquises). Ainsi, un locuteur peut ajuster son discours en fonction des connaissances qu'il présume acquises par un interlocuteur dont le vécu lui est familier.

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5) La « Culture » (compétence référentielle  < champ socio-culturel)

      Bien qu'aucune définition de cette notion ne fasse l'unanimité, on peut au moins établir le fait que la culture s'oppose axiologiquement à la nature (même si la ligne de partage reste impossible à préciser), et qu'elle constitue une structure (une forme, dans le vocabulaire de la sémiotique), à ne pas confondre avec ce qui est structuré par elle — objets, actes, idées, sentiments, goûts, attitudes, comportements —, qui en sont les manifestations.
      Notre seule façon de connaître une culture est d'étudier ces manifestations pour reconstituer un système de valeurs (une axiologie) qui puisse rendre compte de l'existence de chacune d'entre elles. Dans l'usage commun, on a l'habitude d'associer la culture à un groupe social; cela est vrai dans la mesure ou chaque culture est un ensemble de valeurs qui émane forcément d'une communauté humaine, et qui à la fois sert à définir cette communauté. D'un autre côté, il est devenu extrêmement rare dans les pays développés qu'un groupe social reflète une culture monolithique, sans courants, nuances ou dissentions internes.
     Par définition, tout système signifiant exprime une culture, puisque la sémiosis (la mise en relation d'un signifiant et d'un sens) repose sur la convention, et non sur un rapport naturel. Le qualificatif de « culturel » appliqué à une entité quelconque ne sert donc guère qu'à rappeler le caractère particulier (non-universel) des habitudes, des comportements, des perceptions, etc. On distinguera la « culture humaine » en tant que « seconde nature » et les cultures spécifiques. Par exemple, si « le rire est le propre de l'homme » comme l'a écrit Rabelais, les modes du rire varient considérablement : de quoi (ou de qui) rit-on, comment, quand, en présence de qui, dans quel but ? etc. C'est pourquoi nous distinguons diverses formes d'humour, qui n'ont rien à voir avec le rire en tant que phénomène physique (émission de son aigus, tension musculaire faciale, etc.).

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III) Les Phénomènes cognitifs liés à la communication

     Ces phénomènes ne sont pas toujours spécifiques à la communication, mais ils la facilitent ou la rendent possible. Qu'ils affectent le linguistique ou le non-linguistique, ils sont en tout cas universels chez l'être humain, même si leur manifestation varie selon les cultures.

A. L'Interaction entre systèmes signifiants

     Si l'on peut commencer par isoler et analyser séparément un seul système signifiant, il faut toujours tenir compte du fait que le sens du message n'est pas seulement obtenu en ajoutant les éléments de sens particuliers produits par chaque système, mais représente le résultat d'une interaction entre les divers systèmes mis en oeuvre. On peut classifier cette intéraction selon trois modes :

1) Complémentarité (un système apporte un élément de sens qu'un autre ne fournit pas, mais sans contredire ce dernier).
2) Redondance (un système apporte un élément de sens qui renforce celui déjà fourni par un autre, sans rien ajouter de nouveau)
3) Contradiction (un système apporte un élément de sens qui contredit celui que fournit un autre système).

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B. La Déixis

     La déixis est un phénomène de référence aux circonstances de l'énonciation — lieu, temps et énonciateur (et souvent, énonciataire) — sans lequel un message ne peut être interprété, même s'il est compris.
Ainsi, « Je te retrouverai ici même en fin d'après midi, disons, à dix-huit heures. » n'est complètement interprétable que si l'on connaît l'émetteur, le récepteur, le lieu et le moment de l'énonciation ; mais tout locuteur du français comprend que l'émetteur propose au récepteur de le retrouver en un lieu et un moment déterminés.
     On peut concevoir ce phénomène comme celui d'un sens « relatif » qui s'opposerait à un sens « absolu » qui dépend du domaine de connaissances ; un énoncé comme « Louis XIV a donné le marquisat de Louvois à François Michel Le Tellier en 1662 », interprétable sans contexte énonciatif, demande néanmoins la maîtrise d'un certain domaine de connaissances. En revanche, « Je te retrouverai ici même en fin d'après midi, disons, à dix-huit heures » est interprétable par n'importe quel locuteur francophone informé du contexte de l'énonciation, même s'il est totalement ignare en histoire.

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C. Le Décodage

     Dans la théorie de la communication, le décodage est l'opération inverse de l'encodage, qui permet au récepteur de reconstituer le sens du message. On doit distinguer au sein du décodage trois étapes possibles:

1) le déchiffrage (reconnaissance des signes),
2) la compréhension (saisie d'un sens au niveau de l'énoncé) et
3) l'interprétation (formulation d'un sens au niveau du message).

Lire un texte comme un article de journal en français, par exemple, exige d'abord qu'on sache lire (et singulièrement, lire le français), puis qu'on comprenne le sens des phrases (grâce à une compétence morpho-syntaxique, sémantique et éventuellement à un domaine de connaissances), et enfin qu'on puisse reconstituer le sens du texte, qui n'est pas seulement informatif, mais englobe aussi le point de vue et les intentions de l'auteur, la pertinence ou la véracité de l'article, les stratégies discursive ou rhétoriques mises en œuvre, etc.
     Au final, le sens du message comprendra aussi la relation du texte à son contexte (historique, politique, culturel, etc.). Vu d'un point de vue négatif, l'incapacité à lire l'article (déchiffrage) relève de l'analphabétisme, alors que l'incapacité à le comprendre par manque de compétence sémantique (mots inconnus) et/ou de connaissances (notions inconnues) relève de l'illettrisme. L'incapacité à saisir le sens du message recouvre une plage de compétence trop vaste pour être ainsi catégorisée; on pourra parler, informellement au moins, d'inculture, d'insensibilité, de myopie intellectuelle — termes péjoratifs qui soulignent l'absence de mesure objective à ce niveau.
     Parler de «décodage» ne doit pas forcement impliquer que le récepteur doit effectuer une opération exactement inverse à celle de l'émetteur pour reconstituer le sens ; en effet, le récepteur construit un sens et ne peut être tenu seul responsable d'éventuelles divergences par rapport au sens encodé, souvent dues à des ambiguités inhérentes au processus de communication, ou encore au bruit. Lorsqu'il y a méprise, il faudra toujours se demander dans quelle mesure celle-ci peut s'expliquer par l'ambiguïté ou l'opacité du message — qui peut résulter de la polysémie ou d'une dépendance excessive sur la présomption, l'inférence ou l'implication.

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D. La Redondance

     La redondance est un phénomène de sur-détermination qui consiste généralement à mettre en œuvre plusieurs systèmes signifiants pour produire un même sens, par exemple, lorsque je dis à la pâtissière «Je voudrais un éclair au chocolat.» en montrant un éclair du doigt. Je peux aussi intensifier la redondance en montrant un éclair du doigt et en disant « Je voudrais cet éclair au chocolat, là, le gros qui est au fond. »
Note 1: La répétition peut être un vecteur de redondance, mais toute redondance n'est pas une répétition (dans l'exemple ci-dessus, rien n'est répété).
Note 2 : La redondance n'est pas (forcément) un défaut ou une faiblesse communicative, puisqu'elle sert à renforcer le sens, et s'avère souvent nécessaire pour compenser les effets du bruit.

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E. Le Bruit

     Tout ce qui peut gêner, interrompre ou empêcher la communication. Ce peut être aussi bien «du bruit» accoustique au sens courant, qu'une tâche d'encre sur une page, la personne devant vous qui vous empêche de bien voir ce qui se passe sur la scène, etc.
     Le bruit n'est pas un accident extérieur au phénomène de communication, et doit en être considéré comme partie intégrante; nombreux sont les aspects du langage et des autres codes qui ont pour fonction (partiellement au moins) de compenser le bruit: c'est le cas de la redondance.

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F. Le Référent et la Référence

     Phénomène de renvoi d'un signe à une réalité concrète hors de l'univers du discours. Selon les écoles de pensée, le référent (ce à quoi le signe renvoie) est inclus ou exclus du cadre sémiologique: tout dépend si l'on considère le référent comme une entité physique, ou comme la perception de cette entité à un stade pré-linguistique. Mais on doit en tous cas distinguer le référent du signifié, concept qui se lie à un signifiant pour former un signe.

    Plus généralement, la référence est le phénomène de renvoi à un référent qui permet d'embrayer le discours sur une réalité extra-linguistique relevant souvent du domaine de connaissance. C'est particulièrement vrai pour les noms propres, qui ne renvoient à aucun signifié : « Louis XIV » n'a aucune définition (contrairement à un nom commun comme « roi ») et renvoie à un ensemble variable de données que l'on peut avoir sur cette personne. Dans le cas d'un personnage de fiction (« Emma Bovary »), le nom propre renvoie à l'ensemble des informations sur ce personnage contenues dans l'œuvre où il/elle figure.

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G. Le Domaine de connaissances

     Tout locuteur dispose d'un
domaine de connaissance — tout ce qu'il/elle sait — qui joue un rôle important dans la communication puisqu'il permet d'utiliser la référence, de « parler de quelque chose » et d'être compris sans devoir à chaque fois définir ce dont on parle. Le domaine de connaissance se distingue du champ sémantique en ce qu'il englobe des objets particuliers; connaître le(s) sens du mot « roi » (sémantique) s'oppose ainsi à savoir qui est Louis XIV — c'est-à-dire de posséder un certaine information de type encyclopédique à son sujet. (On peut ainsi opposer dictionnaire et encyclopédie).
     Partager une même culture implique aussi de posséder en commun, au moins partiellement, un domaine de connaissances.

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H. L'Implicite et l'implication

     Dans le cadre de la communication, on peut qualifier d'implicite toute information qui n'est pas exprimée linguistiquement mais qu'un locuteur estime transmise. En termes communs, « on dit une chose pour en faire comprendre une autre ».
     L'implication consiste souvent à effectuer des fonctions communicatives à l'aide d'énoncés qui normalement servent à d'autres opérations : un passager dans un bus qui dit à son voisin, assis près de la fenêtre « J'ai vraiment très chaud; il n'y a pas d'air. » (assertion) implique en fait une demande (« Pouvez-vous ouvrir la fenêtre ? »). Une question oratoire comporte presque toujours une part d'implicite: « Vous n'avez pas chaud, vous ? » (>« Moi,si ! »).
     L'inférence se fonde souvent sur l'implication, mais ne se confond pas avec elle, car les deux sont généralement complémentaires : pour qu'une implication du locuteur réussisse, il faut que l'interlocuteur réalise une inférence qui lui correspond. Dans l'exemple ci-dessus, le voisin peut inférer (incorrectement) que le locuteur attend seulement une expression de commisération, et lui répondre: « Oui, en effet, on étoufffe » — sans ouvrir la fenêtre. Il n'y a pas, au niveau linguistique, d'erreur de décodage, mais, sur le plan pragmatique, un échec de l'implication à déclencher l'inférence souhaitée.

Voir L'Implication

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I. La Présomption

     Ensemble de prémisses implicites qu'on suppose être vraies a priori, et qui déterminent le sens d'un énoncé ou d'un message. [cf. implication et inférence, ci-dessus] On peut distinguer trois sortes de présomptions: de sincérité, de pertinence, d'ordre.
     Exemple : je suis assis dans un retaurant, et une chaise non occupée se trouve à ma table. Un inconnu s'approche et me demande « Excusez-moi, vous avez besoin de cette chaise ? »; je lui réponds « Non, allez-y », sur quoi il me remercie et prend la chaise. L'inconnu a présumé 1) que c'est moi qui « contrôle » l'attribution de la chaise parce qu'elle se trouve à côté de moi (présomption d'ordre), 2) que je dis la vérité lorsque j'indique que je n'en ai pas besoin (présomption de sincérité), et 3) que je vais répondre à la demande qui m'est ainsi faite de prêter la chaise plutôt qu'à la question en tant que telle (présomption de pertinence). Lorsque ces présomptions s'avèrent infondées, de graves incompréhensions en résultent.
     Imaginons que, dans un restaurant ne disposant que d'un d'espace réduit, je suis assis très près d'un inconnu, qui quitte momentanément sa place. Arrive un second inconnu qui me demande « Excusez-moi, vous avez besoin de cette chaise ? ». La présomption d'ordre (je contrôle la chaise parce qu'elle est près de moi) est ici incorrecte : je n'ai pas l'autorité de céder la chaise. Si malgré cela je réponds « Non, allez-y », c'est la présomption de pertinence qui est incorrecte, ma réponse s'adressant au sens de l'énoncé plutôt qu'à l'intention communicative (solliciter l'emprunt de la chaise), sans toutefois mentir au sens strict du terme, puisque je n'ai effectivement pas besoin de la chaise... La présomption de sincérité est correcte, mais elle n'est opérante que si la présomption de pertinence l'est aussi.
     La présomption joue un grand rôle dans les dépositions judiciaires où un témoin qui a fait serment de dire « toute la vérité, et rien que la vérité » peut toutefois ne pas dire la vérité sans se parjurer, en réponse à des questions qui reposent sur des présomptions. C'est donc la responsabilité de l'avocat ou du procureur de poser des questions qui en sont dénuées.
     Il est facile d'exploiter la présomption à des fins comiques. Exemple classique tiré du Retour de la Panthère Rose de Blake Edwards:

L'Inspecteur Clouzeau entre dans une auberge. L'aubergiste est derrière le comptoir, au pied duquel est assis un gros chien.
Clouzeau, à l'aubergiste: Est-ce que votre chien mord ?
L'Aubergiste: Non.
Clouzeau s'approche pour caresser le chien, qui lui mord la main.
Clouzeau: Vous m'avez dit que votre chien ne mordait pas !!
L'Aubergiste: Celui-ci n'est pas mon chien.

Autre exemple, ce strip de la BD Garfield:

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L. Les rôles communicatifs

     La théorie de la communication, dans un souci de formuler un modèle aussi général et abstrait que possible, à réduit les communiquants aux qualités d'émetteur et de récepteur, en leur ôtant toute détermination (physique, sociale, psychologique) et en les représentant comme deux entités égales et équivalentes.
     Or, en réalité, il est rare (sinon impossible) que les communiquants aient des rôles équivalents, soit qu'il y ait domination des uns sur les autres (en temps de parole, dans la latitude d'action, dans la faculté de diriger l'échange vers un but, etc.), soit qu'il y ait complémentarité (demander / fournir des information, se plaindre / sympathiser, proposer / critiquer, narrer / écouter, etc.).
     Ces rôles, pour être divers, peuvent se ramener à certaines grandes catégories qui recoupent les fonction communicatives, puisque toute fonction implique la participation de l'émetteur et du récepteur. Mais les rôles sont également déterminés par les schèmes qui facilitent (et restreignent) l'engagement communicatif en spécifiant un nombre limité de modèles à émuler, et partant définissent des rôles reconnus — voire stéréotypés — par chaque culture.

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