Chaque
jour, souvent sans y prêter attention, nous sommes en contact
avec des dizaines, voire des centaines de textes, soit
que nous les produisions nous-mêmes, soit que nous les utilisions
pour nous informer, nous divertir, et accomplir les tâches
les plus diverses.
Cette familiarité tend à
nous faire oublier que le texte ne va pas de soi, et que sa composition
autant que sa lecture ne sont possibles qu'au prix d'un apprentissage
et d'une expérience assez longs.
Pour une grande partie, les études,
et tout particulièrement les études supérieures,
sont consacrées à l'amélioration des capacités
de l'étudiant à travailler avec et sur des textes.
Nous sommes donc tous capables de reconnaître un texte lorsque
nous en voyons un, mais le problème se complique lorsqu'il
s'agit de comprendre et de définir avec exactitude ce qu'est
un texte, et ce qui n'en est pas un—et ce qui distingue
un «bon» texte d'un autre moins bon.
1.
Au-delà de la phrase: discours, énoncé, texte
Une
vision «traditionnelle» voudrait que le texte soit
composé de phrases, parfois regroupées en
sous-ensembles comme le paragraphe (prose), la strophe
ou la réplique (théâtre). Pour les
linguistes, c'est la phrase
formée par l'association d'un sujet et d'un prédicat
qui a longtemps constitué l'entité maximale passible
d'analyse, tout ce qui se situe au-delà n'étant
pas, à leur avis, modélisable.
Plus récemment s'est développée
une branche des sciences du langage consacrée au discours,
c'est-à-dire justement à tout ce qui dépasse
le niveau de la phrase: la «grammaire du discours»
cherche ainsi à déterminer les règles qui
s'appliquent non à l'intérieur de la phrase, mais
entre plusieurs phrases. La pragmatique, de son côté,
s'intéresse à l'énoncé,
c'est-à-dire au message linguistique considéré
dans le contexte de sa production effective à un moment
donné et en un lieu donné, et qui exprime
le point de vue de l'émetteur (l'énonciateur)
en fonction de celui du récepteur (l'énonciataire).
Dans cette perspective, le discours est constitué par une
séquence d'énoncés formant un tout autonome.
Si toutefois le texte, en surface,
se présente généralement sous une forme linéaire
(une suite de phrases ou d'énoncés qui a un début
et une fin supposant un ordre de lecture), il
est possible de l'envisager à partir de sa structure
profonde qui, elle, doit se concevoir hors du déroulement
unidirectionnel qui se présente à nos yeux. A l'origine
du texte, on doit ainsi postuler l'existence d'un système
dont les unités sont non des phrases, mais des idées
exprimées par des propositions, et liées
par des relations virtuelles.
C'est pourquoi le travail du texte—la lecture autant que
la production—passe nécessairement par l'établissement
d'un plan, c'est-à-dire par l'explicitation
schématique de la structure.
Ces relations,
représentées ici par des lignes fléchées
en pointillés, représentent des possibilités
de rapports entre les propositions (cause, conséquence,
parallélisme, analogie, contradiction partielle ou totale,
etc.) qui ne se matérialiseront pas toutes au niveau de
surface du texte, où seul un agencement
des propositions est possible (c'est la «disposition»
de la rhétorique). Lorsque plusieurs agencements, et donc
plusieurs ordres de lecture également valables sont possibles,
on parle d'hypertexte.
Dans le discours, ces relations
se matérialisent souvent par des connecteurs syntaxiques
(conjonctions de coordination et de subordination, adverbes et
locutions adverbiales, etc), et des connecteurs textuels
(formules de transition, d'anaphore, etc.).
ILLUSTRATION
Soient
quatre propositions exprimables chacune par une phrase:
P:
Le Général
de Gaulle et le Chancellier Adenauer ont décidé
d'unir leurs pays dans une alliance économique et politique.
P':
En 1945, il a paru évident que la paix durable en Europe
reposerait sur de bonnes relations franco-germaniques.
P'':
La Realpolitik consiste
à privilégier les solutions pratiques par rapport
aux doctrines idéologiques.
P''':
Les Français et les Allemands
se sont combattus avec violence et tenacité au cours
de trois guerres successives, en 1870-71, 1914-18 et 1939-44.
Ces
quatre propositions peuvent former un texte car 1)
elles sont toutes relatives à un même thème
et 2) présentent entre elles des relations
que l'on peut expliquer comme suit:
- il
existe une opposition entre P
et P'''
- il
existe un rapport de conséquence entre
P'
et P (et
donc de cause entre
P
et P')
- il
existe un rapport d'antériorité
entre P''',
P'
et
P
(et
donc de postériorité entre
P',
P''
et P''')
- il
existe un rapport de généralisation
entre P
et
P''
(et
donc de spécification entre
P''
et P)
Ces
rapports, toutefois, n'imposent ni ne suggèrent un ordre
linéaire particulier. On peut donc représenter la
structure profonde de ce texte comme suit:
On peut alors obtenir
un texte en mettant ces propositions dans un ordre approprié
(avec éventuellement quelques modifications de morphologie
et/ou de syntaxe) et en explicitant certaines des relations à
l'aide de connecteurs syntaxiques ou textuels:
«Les
Français et les Allemands se sont combattus avec violence
et tenacité au cours de trois guerres successives, en
1870-71, 1914-18 et 1939-44. Cependant,
en 1945, lorsqu' il a paru évident
que la paix durable en Europe reposerait sur de bonnes relations
franco-germaniques, le Général de Gaulle et le
Chancellier Adenauer ont décidé d'unir leurs pays
dans une alliance économique et politique. C'est
là un bon exemple de Realpolitik, qui
consiste à privilégier les solutions pratiques
par rapport aux doctrines idéologiques.»
On peut obtenir
d'autres textes en mettant ces propositions dans un ordre
différent et à l'aide d'autres connecteurs syntaxiques
ou textuels:
«La Realpolitik
consiste à privilégier les solutions pratiques
par rapport aux doctrines idéologiques, comme
on a pu le voir lorsque le Général de Gaulle
et le Chancellier Adenauer ont décidé d'unir leurs
pays dans une alliance économique et politique, bien
que les Français et les Allemands se fussent combattus
avec violence et tenacité au cours de trois guerres successives,
en 1870-71, 1914-18 et 1939-44. En
1945, en effet, il a paru évident
que la paix durable en Europe reposerait sur de bonnes relations
franco-germaniques.»
EXERCICE
D'APPLICATION
Composez deux autres textes à
partir des même quatre propositions, en prenant soin de
respecter les relations spécifiées ci-dessus. Ce
texte pourra être formé de plusieurs phrases, mais
aussi d'une seule phrase
complexe
2.
Qu'est-ce qu'un texte?
On
pourra commencer par la notion qu'il s'agit concrètement
d'une série de mots avec un début et une fin identifiables
par divers marqueurs visibles, dont les titres et intertitres,
la ponctuation, les alinéas, les «blancs» et
autres procédés de mise en page. Ainsi, en feuilletant
un magazine, par exemple, on repère très rapidement,
sans même les lire, les divers types de textes qui le composent
(articles, publicités, etc.). Intuitivement, nous saisissons
donc le texte comme une forme de l'expression; reste à
déterminer si possible ce qui le caractérise quant
à la substance.
|
Pour
comprendre ce qu'est un texte du point de vue de la substance,
on peut s'imaginer une maison en bois (à gauche)
et un tas de planches ou morceaux de bois (à droite)
et se demander ce qui les distingue.
Immédiatement, nous
saisissons qu'il existe entre les deux une différence,
bien que, d'une certaine manière, on puisse décrire
l'un et l'autre comme un «ensemble de morceaux de
bois»: mais, lorsque l'on cloue ou visse ensemble
quelques morceaux de bois, à partir de quel moment
peut-on dire que l'on a affaire à une 'maison', et
non plus à un 'tas de bois'? |
|
Ce casse-tête philosophique très
ancien est facile à résoudre dans le cas d'un
texte, et même, en y réfléchissant un
peu, dans le cas de la maison.
Le tas de bois, en effet, est
un ensemble de matériaux bruts pouvant servir à
construire toutes sortes de choses (une maison, un meuble,
une palissade, un bâteau), mais qui, en tant que tel,
ne remplit aucune fonction particulière, ne
reflète aucune finalité précise
et manifeste: même si l'on arrange les morceaux en
fonction de leur taille ou de leur couleur, on ne changera
pas le fait que le tas n'a, en soi, pas de fonction nécessitant
une organisation spécifique.
Par ailleurs, le tas n'a aucune
véritable forme: on peut rajouter ou enlever
des morceaux de bois, les bouger, les rempiler différemment
sans changer sa nature de 'tas'; c'est même cette
indifférenciation du point de vue de la forme que
signifie le vocable de «tas».
Fonction, et forme
caractérisent en revanche la maison, qui n'est donc
pas simplement une variante du «tas de bois»:
Entre eux, la différence est qualitative, non
quantitative: il ne suffit pas d'accumuler des morceaux
de bois pour constituer une maison.
De la même manière,
un texte ne se résume pas à une accumulation
de mots , mais se caractérise à la fois par
sa fonction et sa forme.
- Fonction:
le texte est la manifestation concrète et spécifique
d'un discours, qui est lui-même la mise
en œuvre d'une compétence abstraite (la
langue). Les spécialistes s'accordent à reconnaître
quatre ou cinq grandes fonctions discursives:
1.
Rapporter des événements, raconter une
histoire: fonction narrative
2. Faire
une description, indiquer les caractéristiques
d'un objet, donner des informations: fonction explicative/descriptive
3. Développer
un point de vue, une opinion, un jugement: fonction
argumentative / délibérative
4. Donner
des suggestions, des conseils, des ordres, indiquer
une procédure à suivre: fonction injonctive
Traditionnellement,
on parle de «types textuels» pour désigner
les textes qui correspondent à chaque fonction. Cette
dénomination est trompeuse, d'abord parce qu'il est
rare qu'un texte donné ne réalise qu'une seule
fonction, ensuite parce que cette typologie semble réductrice:
on peut distinguer une dizaine de fonctions
communicatives et, de toute évidence, il existe
des textes correspondant à chacune de ces fonctions.
On utilisera donc le terme de «type textuel»
en référence à un ensemble de formes
ayant en commun certaines caractéristiques fondamentales.
Ainsi, le type «poème» subsumera
des formes comme le sonnet, l'ode, l'idylle, le pantoum,
le haïku, la ballade, le virelai, le poème en
prose, etc. qui sont toutes caractérisées
par deux fonctions dominantes:
exprimer (des sentiments, des idées) et manipuler
le langage à des fins esthétiques.
- forme:
le texte possède—à la différence
d'une simple accumulation de phrases—une unité,
matérialisée par des éléments
formels: par exemple, un titre, une introduction et
une conclusion, des strophes ou des paragraphes. Ses
composantes doivent fonctionner en synergie pour assurer
cette unité. Théoriquement, un texte ne
devrait pas comprendre de phrase qui peut en être
retranchée sans que cette unité soit aucunement
affectée, ou au contraire qui en compromet l'unité
en ne participant pas à l'ensemble.
Comme le corps a
un squelette et la maison une charpente, le texte possède
une structure propre, manifeste ou
non. L'agencement des composantes y est soigneusement
choisi pour assurer la clarté, l'efficacité,
l'équilibre et l'harmonie de l'ensemble.
Voici par exemple un texte qui n'est pas compréhensible,
mais dont on peut parfaitement identifier les caractéristiques
formelles:
BLABLABLA
Blabla blabla: blabla blabla blabla.
Blabla, blabla blabla blabla, blabla. Blabla blabla
blabla blabla :
—
Blabla blablablabla, blabla blabla blabla! »
— Blabla blabla blabla blablablabla blabla blabla.
»
— Blabla blabla blablablabla blabla blabla… »
— Blabla blabla: blabla blabla blabla. »
Blabla, blabla blabla blabla, blabla.
Blabla blabla blabla blabla. Blabla blablablabla,
blabla blabla blabla blabla ; blabla blabla blablablabla
blabla blabla blabla blabla blablablabla blabla blabla?
Blabla
blabla blabla blabla blablablabla, blabla blabla;
blabla blabla blabla. Blablablabla, blabla blabla
blabla (blabla blabla) blabla blabla. Blabla blabla
blabla—blabla blablablabla—blabla blabla.
Blabla blabla, blabla, blabla blabla?
Blabla
blabla : blabla blabla blabla (1). Blabla, blabla
blabla blabla, blabla. Blabla blabla blabla blabla.
Blabla blablablabla, blabla blabla blabla blabla blabla
blabla blablablabla blabla blabla blabla blabla blablablabla
blablablabla.Blabla blabla: blabla blabla blabla.
1.
Blabla, blabla blabla blabla, blabla. Blabla blabla
blabla blabla. Blabla blablablabla, blabla blabla
blabla blabla blabla blabla blablablabla blabla blabla
blabla blabla blablablabla blabla
|
Le
découpage en paragraphes (soulignés par l'espacement
et les alinéas), la ponctuation (points, virgules,
parenthèses, tirets, guillemets…) et le formatage
de la note participent à l'organisation du sens,
même lorsque celui-ci reste indéterminé.
En fait, la forme d'un type textuel donné
reste une notion abstraite—l'éidos
platonicien—, et pour en déterminer les paramètre
on se fie le plus souvent à un modèle (token)
que l'on estime manifester le plus parfaitement cette forme
(type). Ces textes «canoniques»—notion
théologique, puis littéraire mais que l'on
peut généraliser—permettent non seulement
de déterminer ce qui relève ou non d'une forme
donnée, mais d'élaborer une échelle
de valeurs. Ainsi dans sa Poétique, Aristote
s'appuie sur les tragédies de Sophocle pour établir
à la fois ce qu'est une tragédie (par rapport
à d'autres formes), et ce qui constitue une bonne
tragédie.
Si une telle hiérarchie
reste discutable, il n'en reste pas moins légitime
de postuler que certains éléments formels
se révèlent généralement plus
efficaces que d'autres pour remplir une fonction donnée.
À moins de vouloir obtenir un effet très insolite,
on n'écrit pas une petite annonce pour vendre sa
voiture comme on écrit une carte postale à
sa tante, un devoir d'histoire pour son professeur, une
lettre de motivation pour briguer un emploi, ou un article
de journal.
Pour chaque fonction,
on dispose de formes efficaces qui obéissent à
des règles relativement précises. Toutefois,
cette efficacité n'est pas immanente, puisqu'elle
repose en grande partie sur l'attente du récepteur,
et il est possible de subvertir les règles avec succès:
paradoxalement, on tend à considérer comme
les plus grands romanciers, poètes, dramaturges,
etc. ceux qui ont «révolutionné»
un type textuel en enfreignant les principes habituels de
son élaboration.
HAUT
3.
Lecture linéaire, non-linéaire
et tabulaire
Le texte linguistique
le plus commun exige une lecture linéaire qui débute
en haut à gauche de la page, et procède
de la gauche vers la droite, et de haut en bas. Pourtant,
de nombreux textes relèvent d'un ordre de lecture
différent, qui peut commencer et se terminer en
n'importe quel point de l'espace, et ne pas forcément
exiger d'ordre particulier, chaque élément
étant complémentaire des autres dans une
combinatoire qui est au choix du lecteur—choix que
le scripteur peur influencer par divers procédées
(taille de la police, couleurs, etc.)
Exemple
de texte n'exigeant pas un ordre particulier de lecture:
boîte d'un plat préparé.
Une autre
forme courante d'ordre de lecture utilise une organisation
tabulaire, sous forme de table, de grille ou de liste.
La lecture n'est pas aléatoire, mais elle n'est
pas linéaire non plus, et il n'est pas nécessaire
de lire l'ensemble pour en tirer un sens. Ainsi dans l'exemple
ci-dessous (indications nutritionnelles sur un pot de
yaourt « Taillefine » de la marque
Danone) on peut lire séparément la liste
des ingrédients, sur la gauche, qui a son ordre
propre (du plus important quantitativement au moins important),
et le tableau des valeurs, sur la droite. Avec ce type
de texte, il est probable que le lecteur ne lise pas l'intégralité
des données pour se concentrer sur celles qui l'intéressent.
>>
Analyse d'un texte
linguistique à lecture linéaire.
4.
De l'écriture au texte
Qu'est-ce qu'un «bon»
texte (à dominante linguistique) ?
«Bien
écrire» n'a pas beaucoup de sens, car on
n'écrit jamais dans l'abstrait—sauf pour
des exercices scolaires! En réalité, on
écrit toujours des textes, qu'ils se composent
de quelques mots ou qu'ils remplissent des centaines de
pages. Il est donc important de toujours se souvenir que
le processus d'écriture mène à un
texte, dont on considèrera les fonctions et les
qualités pour déterminer comment on peut
«mieux écrire».
On peut toujours commencer
par formuler le descriptif générique d'un
texte de qualité optimale:
1.
Le texte, qui ne comporte ni redites ni
répétitions inutiles, est organisé
selon une structure claire, cohérente
et efficace (quelle qu'elle soit), bien signalée
par l'utilisation de la mise en page
(paragraphes, alinéas) et de marqueurs
textuels de transition (adverbes et locutions
adverbiales notamment).
2. Cette
structure sert avec efficacité les fonctions
du texte (descriptive, narrative, expressive, argumentative,
injonctive), qui apparaissent manifestes au lecteur.
3. Le niveau
de langue (soutenu, normal ou familier) est approprié
à ces fonctions.
4. La syntaxe
(construction des phrases) reflète une grande variété
de forme: propositions indépendantes, coordonnées
et subordonnées; usage de propositions subordonnées
relatives, gérondives, infinitives. On note un
emploi judicieux de la ponctuation, y
compris les tirets et les parenthèses. A moins
de rechercher un effet stylistique particulier, on recourt
de préférence aux phrases complexes
plutôt qu'à l'accumulation de phrases simples.
5. Le vocabulaire
(répertoire des mots utilisés) est à
la fois varié et précis.
6. Dans
les meilleurs cas, on notera une recherche stylistique
pouvant aller de choix lexicaux délibérés
à l'utilisation de figures (métaphores,
litotes, zeugmes...), de périodes ou de cadences.
7. La morphologie
(accords de genre et de nombre, désinences des
verbes, constructions prépositionnelles, contractions...)
ne comporte aucune incorrection, sauf dans l'utilisation
délibérée d'un niveau de langue familier.
8.
L'orthographe
est également toujours correcte.
Remarquons
que ce descriptif, pour la plupart, cherche à établir
de manière positive les caractéristiques
d'un bon texte, sauf dans le cas de l'orthographe et de
la morphologie, dont la qualité se définit
par l'absence d'erreurs, et donc de manière binaire
(correct/incorrect)—il n'y a pas d'orthographe ni,
généralement, de morphologie «meilleure»
qu'une autre.
Bien
qu'un texte excellent soit forcément sans erreur,
un texte sans erreur n'est donc pas forcément excellent.
Le travail d'écriture—c'est-à-dire,
presque toujours, de réécriture—s'accomplit
dans la progression, qui ne se limite pas à
éliminer les fautes, mais implique aussi de retravailler
un texte déjà «acceptable» pour
le rendre meilleur: plus clair, plus efficace, plus élégant...
Améliorer la qualité
de sa langue écrite demande donc un effort constant
sur la longue durée; mais en dépistant systématiquement
les erreurs et les points faibles les plus communs, en particulier
ceux qui sont faciles à traiter «mécaniquement»
(à l'aide d'un dictionnaire et d'un livre de grammaire
si nécessaire), on parvient à atteindre rapidement
un niveau de qualité «acceptable» ou
«passable», palier obligé vers le bon,
voire l'excellent.
L'évaluation d'un texte
donné pourra donc se faire par exemple sur une échelle
à cinq niveaux (de l'excellent à l'insuffisant)
appliqués à certains des critères ci-dessus.
On donnera un coefficient supérieur aux critères
proprement textuels—organisation, utilisation de la
mise en page et de marqueurs—, de manière à
ne pas privilégier les aspects les plus mécaniques
et la «grammaire» (morphologie et syntaxe).
Par ailleurs, on distinguera pour le vocabulaire et la syntaxe,
la variété et la précision, afin de
valoriser les efforts stylistiques sans négliger
la correction: la variété implique une certaine
prise de risque qui est ainsi récompensée,
faute de quoi on risque de voir des textes utilisant de
façons systématique un répertoire très
limité mais très «sûr».
La grille suivante, par exemple, permet
d'obtenir un score numérique situé entre 12
et 60 points à partir de neuf critères distincts:
|
A - Excellent |
B - Bon |
C - Passable |
D - Faible |
F - Insuffisant |
Texte
organisé selon une structure claire, cohérente
et efficace |
15 pts |
12 pts |
9 pts |
6 pts |
3 pts |
La
structure est soulignée par l'utilisation de
la mise en page et de marqueurs textuels (transitions) |
10 pts |
8 pts |
6 pts |
4 pts |
2 pts |
Les
fonctions du texte et/ou son type sont manifestes
pour le lecteur |
5 pts |
4 pts |
3 pts |
2 pts |
1 pt |
Le vocabulaire est varié |
5 pts |
4 pts |
3 pts |
2 pts |
1 pt |
Le vocabulaire est précis |
5 pts |
4 pts |
3 pts |
2 pts |
1 ptt |
La syntaxe est variée |
5 pts |
4 pts |
3 pts |
2 pts |
1 pt |
La syntaxe est précise |
5 pts |
4 pts |
3 pts |
2 pts |
1 pt |
La morphologie est précise |
5 pts |
4 pts |
3 pts |
2 pts |
1 pt |
L'orthographe est correcte. |
5 pts |
4 pts |
3 pts |
2 pts |
1 pt |
TOTAL
entre 12 et 60 points |
|
|
|
|
|
Construire
un texte
Un proverbe populaire affirme
qu'«Il ne faut pas courir avant d'avoir appris à
marcher». Dès notre plus jeune âge, nous
sommes exposés, en tant que récepteurs, à
des textes très complexes, dont la familiarité
peut nous induire à croire que nous pouvons à
notre tour, spontanément, en produire de la même
qualité. Dans la grande majorité des cas,
il n'en est rien, et nous devons, patiemment, apprendre
à construire des textes progressivement
plus complexes, à la fois en apprenant des règles
qui nous sont données, mais aussi par imitation.
Le pastiche, qui consiste à écrire «à
la manière de», est un excellent exercice qui
permet de prendre conscience des particularités de
chaque écriture, ce qu'on appelle communément
le «style», afin de développer son style
propre.
Chez
l'apprenant adulte de langue étrangère, la
tentation est particulièrement forte de brûler
les étapes pour tenter de produire dans la langue-cible
des textes de complexité comparable à celle
dont il est capable dans sa langue maternelle. C'est une
grave erreur. En effet, on
évite alors rarement le problème du calque,
c'est à dire la transposition de structures (syntaxiques,
morphologiques, sémantiques...) propres à
une langue dans une autre, où elles ne fonctionnent
pas du tout, ou pas de la même manière. Il
vaut toujours mieux partir d'éléments «sûrs»,
relativement simples, dont vous savez qu'ils sont corrects
parce que vous en avez déja vu ou entendu des exemples,
et que vous allez combiner pour obtenir un résultat
original, plus complexe, mais toujours assez peu «risqué».
Lorsque vous avez conçu
une première version de votre texte, reprenez-la
pour identifier les sources d'erreur—même un
locuteur natif en commet, ne serait-ce que par inattention—et
les aspects à améliorer. Plusieurs relectures
focalisées seront sans doute nécessaires (une
pour le sens, une autre pour l'orthographe, une pour la
morphologie...), et en fait préférables à
une relecture globale.
HAUT |
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