Exemple
3
Les grandes
inventions
Gérald Messadié,
Les Grandes Inventions du monde moderne (Bordas).
887 mots
Il convient d'observer
un grand changement dans le domaine des inventions: celles-ci
se font de plus en plus collectives. Dans le passé, à moins
qu'il fût reculé, le nom d'un savant était toujours attaché
à l'invention: par exemple, celui de Denis Papin à la machine
à vapeur, de Stephenson à la locomotive, de Marconi à la
télégraphie sans fil. Les moyens matériels nécessaires à
une invention restaient, en effet, à la portée d'un particulier,
fût-il moyennement fortuné. Il en fut ainsi jusque dans
les premières décennies du XXe siècle; même l'astronautique
moderne a été préparée par les expériences d'un Goddard,
qui sont encore à la portée d'un écolier ou d'un étudiant.
Mais, au fur et à mesure
que la technologie progresse, l'invention exige la mise
en uvre de moyens de plus en plus considérables et
coûteux. Leeuwenhoek inventa sans se ruiner le microscope
optique; mais Knoll et Ruska, qui inventèrent le microscope
électronique en 1932, n'y parvinrent qu'à l'aide d'un équipement
de haut niveau qui ne pouvait être leur propriété. La tradition
consent encore que, dans certains cas, le nom d'un individu
qui fait une invention avec le matériel d'une grande firme
soit associé à cette invention, celle-ci devenant automatiquement
la propriété de la firme. Mais, pour un certain nombre de
raisons, essentiellement juridiques et financières, c'est
de moins en moins souvent le cas. L'invention tend à être
présentée sous le nom de la firme au sein de laquelle elle
a été réalisée. Cela s'explique parfois par le fait qu'il
n'y a pas un, mais plusieurs inventeurs, qui ont travaillé
en équipe, parfois aussi par le fait que, même due à un
seul individu, l'invention a été l'aboutissement de recherches
déterminées, financées par la firme et que celle-ci s'en
considère comme la propriétaire légitime. Il devient de
plus en plus difficile de rééditer des exploits tels que
celui d'un Wheatstone, qui inventa la stéréoscopie, ou d'un
Sainte-Claire Deville, qui inventa un procédé d'extraction
de l'aluminium.
On peut ainsi prévoir
qu'au XXIe siècle la majorité des inventions
sera la propriété de grandes firmes disposant de moyens
de recherche considérables. Autrement dit, que l'invention
passera presque intégralement sous le contrôle de secteurs
économiques clos, multinationales ou organismes d'État.
Notre premier ouvrage offrait au
lecteur un sujet de réflexion particulier: l'ancienneté
de certaines inventions tenues pour «modernes», comme le
cardan ou la machine à vapeur. Le présent ouvrage devrait
en offrir un autre: celui de Ia technicité croissante des
inventions, qui leur prête un caractère quasi invisible.
Ainsi, à l'exception
du remplacement des moteurs à hélice par des turboréacteurs,
il n'y a apparemment pas de différence essentielle entre
un Potez des lignes aériennes de 1939 et un Boeing 747 ou
un Airbus des mêmes lignes en 1980. Pourtant, les deux derniers
appareils diffèrent considérablement du premier: les automatismes
s'y sont multipliés, dont un système d'équilibrage, automatique
lui aussi, qui rend l'avion beaucoup plus stable. On ne
peut pas dire que les automatismes aient été «inventés»
au XXe siècle; en fait, ils existent depuis le
régulateur à flotteur de l'école d'Alexandrie. Mais c'est
au XXe siècle qu'ils se sont répandus et imposés.
Il en va de même de
la miniaturisation. Elle n'a d'ailleurs été inventée par
personne. On pourrait, à l'extrême rigueur, désigner les
Américains Bardeen, Brattain et Shockley, inventeurs du
transistor, comme trois de ses pères putatifs, mais les
trois physiciens s'étaient, en fait, limités à l'invention
du transistor, pièce qui succéda à l'antique triode. Toujours
est-il que la miniaturisation a touché une part immense
de la production industrielle du XXe siècle,
surtout dans le domaine de l'électronique.
Impossible enfin de
trouver un inventeur à la machine outil à commande numérique,
dernier cri de la «productique», qui fonctionne sur les
instructions d'un ruban perforé. Ou plutôt si: son inventeur
n'est autre que ce mécanicien visionnaire du XVIIIe
siècle, Jacques de Vaucanson, auquel on doit le premier
métier à tisser automatique, fonctionnant sur cartes perforées.
Ainsi un produit qui parait récent n'est le plus souvent
que l'avatar d'une invention ancienne.
Dernier trait qui caractérise
la technique du XXIe siècle: elle est devenue
quasi incontrôlable. Elle suit son évolution autonome, comparable
en cela au fonctionnement de l'A.D.N., qui semble «indifférent»
au destin des cellules dont il commande la production (au
point que de grands biologistes l'ont d'ailleurs qualifié
d'«égoïste»).
Ce dernier caractère,
indéniablement troublant, tient à l'imprévisibilité de la
science. S'il est bien exact que des milliers de scientifiques
dans le monde entier s'efforcent de trouver des solutions
à des problèmes déterminés, comme le cancer, il demeure
que c'est le hasard qui, le plus souvent, fait danser les
inventions au son de ses violons. Ainsi, en répertoriant
les gènes humains et les rapports de plusieurs de leurs
anomalies avec certaines maladies, on découvre qu'il y a
des gènes qui prédisposent au cancer de l'utérus, du sein,
du côlon, etc. Le remède n'est sans doute pas là où on le
cherche ; il résiderait sans doute dans la correction du
gène défectueux. C'est aussi par hasard que Bernard Raveau
a découvert un matériau qui est supra-conducteur bien audessus
des températures reconnues. Comme on ne peut guère inventer
qu'à partir de ce que l'on sait parce qu'on l'a découvert,
il s'ensuit que les inventions sont tributaires des découvertes,
et, dans une large mesure, du hasard.
Combien
de paragraphes?
Nous
allons « perdre » plus de temps que dans
les cas précédents en ne commençant la rédaction
qu'une fois établi le plan détaillé.
Le texte comporte neuf paragraphes,
ce qui est beaucoup trop pour le résumé. Il est indispensable
de regrouper pour répondre à la question fondamentale:
combien de paragraphes dans le résumé? En fait, ce
premier travail est assez facile car le texte est organisé
autour de trois idées:
- les
inventions deviennent COLLECTIVES;
- les
inventions deviennent INVISIBLES;
- les
inventions deviennent INCONTRÔLABLES.
Les
regroupements s'opèrent de la façon suivante:
1.
COLLECTIVES (paragraphes 1, 2, 3).
2. INVISIBLES (paragraphes 4, 5, 6, 7).
3. INCONTRÔLABLES (paragraphes 8 et 9).
Il
n'y a pas de grandes digressions. Notre résumé,
quelle que soit sa longueur, sera donc articulé en
trois temps.
Le
premier paragraphe du résumé
Ce
premier paragraphe du résumé doit regrouper les paragraphes
1, 2 et 3 du texte de départ. Il est donc nécessaire de
circuler à l'intérieur de ces trois paragraphes. Très
vite un principe organisateur qui va nous aider à structurer
le paragraphe apparait. L'auteur envisage l'opposition
inventions individuelles / inventions collectives en
se situant sur l'échelle du temps. Il distingue trois
phases dans l'histoire des inventions:
1.
AUTREFOIS (inventions individuelles).
2. AUJOURD'HUI (inventions de plus en plus
collectives).
3. DEMAIN (l'invention sera uniquement
collective).
Cette
articulation en trois points devra se retrouver
dans le résumé. Cela implique la translation de
certaines sous-unités de sens.
La
nécessité de translations
Il
ne saurait être question de modifier l'ordre des
grandes unités de sens et d'avoir, par exemple, un
résurné qui commencerait par s'arrêter sur le
caractère incontrôlable des inventions alors que
cet élément arrive à la fin du texte. Mais, pour
donner plus de vigueur à la structure du
paragraphe, il est possible d'opérer des
translations à l'intérieur d'une même unité de
sens.
L'étude des trois
premiers paragraphes permet d'illustrer ce point
de vue. L'auteur évoque «autrefois» en deux
endroits du premier paragraphe (Papin, Stephenson,
Marconi d'une part et Goddard d'autre part) et en
deux endroits du second paragraphe (Leeuwenhoek
d'une part et Wheatstone, Sainte-Claire Deville
d'autre part). Donc quatre fois le retour sur des
exemples relatifs à des personnes se situant dans
l'«autrefois» et qui ont attaché leur nom à une
invention. Dans la mesure où le résumé abrège, il
n'est pas possible de procéder de la même manière.
Il faut donc là encore regrouper.
Ces transferts
effectués, nous savons que le premier paragraphe
de notre résumé correspond au schéma suivant :
Le
deuxième paragraphe du résumé
Le deuxième
paragraphe du résumé qui se rapporte au caractère
invisible des inventions, regroupe donc
les paragraphes 4, 5, 6 et 7 du texte.
Cette seconde unité
de sens est une démonstration qui s'appuie sur
trois exemples. Après un paragraphe de transition
(§ 4), le texte s'articule en trois temps
correspondant à ces exemples:
1.
L'automatisme (§ 5).
2. La miniaturisation (§ 6).
3. La machine à commande numérique (§ 7).
On pourrait
donc imaginer un paragraphe articulé de la même façon
en trois temps. Cependant, nous constatons qu'à l'occasion
de chacun de ces trois exemples, l'auteur revient sur
la même idée. le principe mis en œuvre n'est pas vraiment
nouveau, et pourtant le produit est devenu nouveau parce
que ce principe a simplement été systématisé et amplifié.
C'est en cela que, dans les trois cas, il est possible
de parler d'invention «invisible».
L'auteur se répète
donc et cela n'a rien de gênant puisqu'il s'agit
chaque fois d'étayer un peu plus la démonstration.
Mais impossible de redire trois fois la même chose
dans le résumé.
Il faudra à la place
privilégier l'idée commune aux trois exemples en ne disant
qu'une fois ce que l'auteur dit trois fois. L'élément
important est là parce qu'en relation directe avec la
problématique du texte. Les trois exemples seront évoqués
si l'on dispose d'un contingent de mots suffisant. Dans
le cas contraire, il faudra les sacrifier.
Le
plan détaillé
Au
terme de cet examen du texte, nous pouvons établir
le plan détaillé qui suit. La rédaction se fera à
partir de ce plan détaîllé avec, éventuellement,
de rapides retours sur le texte pour une
vérification ou un complément d'information.
Premier
résumé
Le résumé qui suit
correspond à un sujet exigeant un résumé en 200
mots et qui peut donc aller de 180 à 220 mots.
Les inventions ne sont plus,
comme autrefois, l'apanage d'un individu qui y attachait
son nom. Denis Papin, Stephenson, Marconi, Goddard,
Leeuwenhoek, Wheatstone, Sainte-Claire Deville sont
passés à la postérité, mais de tels exemples deviennent
rares. Parce qu'elle demande des équipements coûteux,
un travail en équipe, et aussi pour des raisons juridiques
et financières, l'invention tend aujourd'hui à devenir
collective. Demain, elle ne pourra plus émaner que d'une
multinationale ou d'un État.
Un autre caractère de
l'învention dans le monde moderne est qu'elle est invisible.
Il ne s'agit souvent que de l'amplification de processus
qui en fait ont été inventés il y longtemps. Cela vaut
tout autant pour l'automation, la miniaturisation que
pour la machine-outil à commande numérique. Dans ces
trois cas, un processus ancien a été simplement systématisé.
La troisième caractéristique
de l'invention dans le monde moderne, c'est qu'elle
est incontrôlable. Les efforts des savants convergent
vers des buts communs, mais, ainsi que le prouvé l'étude
des gènes et des supra-conducteurs, l'invention n'est
pas vraiment prévisible et relève en grande partie du
hasard.
Deuxième
résumé en 120 mots
Les
inventions ne sont plus, comme autrefois, le
fait d'un individu, mais leur origine tend à
devenir collective. Pour des raisons à la fois
techniques et juridiques, elles n'émaneront
plus, très prochainement, que d'un État ou d'une
multinationale.
L'invention, dans
le monde moderne, est aussi invisible. Le
produit se transforme, non pas du fait d'une
nouveauté, mais à cause de la mise en œuvre
systématique de processus connus depuis
longtemps. Tel est le cas, par exemple, de
l'automatisme, de la miniaturisation et des
machines à commande numérique.
Enfin l'invention
reste incontrôlable. On sait ce qu'on cherche
sans pouvoir prévoir ce que l'on va trouver, car
le hasard continue de jouer un rôle fondamental
dans ce domaine.
Troisième
résumé
Le
libellé du sujet exige cette fois que le texte
soit ramené à 70 mots. On remarquera que plus le
nombre de mots alloués pour le résumé est faible
et plus la marge de dépassement se réduit. Ici,
cette marge, dans un sens ou dans un autre, est de
7 mots et, dans le cas suivant d'un résumé de 30
mots, elle ne sera que de trois mots.
Les
inventions ne sont plus le fait d'un individu,
mais, pour des raisons techniques et juridiques,
elles ont aujourd'hui une origine collective.
L'invention,
actuellement, participe aussi de l'invisible. La
transformation des produits provient en fait de
l'amplification de processus connus depuis
longtemps.
Enfin, l'invention
moderne est incontrôlable parce que le hasard
continue de jouer un rôle primordial dans ce
domaine.
Déjà
ici, on pourrait tout regrouper et donc ne pas
aller à la ligne. C'est ce qu'on devra faire pour
le quatrième résumé ci-dessous, où l'on se limite
à 30 mots. Bien que ce type de situation soit rare
car, en général, la réduction demandée est
moindre, l'exemple nous est utile pour des raisons
de méthode:
Les
inventions ont de plus en plus un caractère
collectif. Elles perdent aussi en spectaculaire
pour devenir invisibles parce que progressives.
De plus, le rôle prédominant du hasard les rend
imprévisibles.
Remarques
Nous constatons
que, pour ce quatrième résumé, la répartition des matériaux
en trois paragraphes distincts disparaît. Cependant, en
dépit de ce regroupement, l'articulation en trois temps
subsiste.
La règle de base est qu'un paragraphe
doit être relativement consistant. Si, pour une raison
quelconque, et, en particulier le peu de mots dont on
dispose, il se ramène à une seule phrase, il faut étudier
la possibilité d'un regroupement; mais, quoi qu'il arrive,
la structure du texte doit être maintenue, même si l'on
résume le texte en une seule et unique phrase: «Les inventions
deviennent aujourd'hui collectives, invisibles et incontrôlables.»
Cette nécessité de conserver
la structure du texte de départ,, quelle que soit l'ampleur
de la réduction, apparaît bien sur le schéma de plan élaboré
à partir de ce texte. Pas de bon résumé sans l'application
de cette règle.
Le
résumé doit être fortement structuré pour
rendre avec netteté l'articulation du texte en
quelques grandes unités de sens.
Pour rendre
cette structure plus vigoureuse, il est
souvent nécessaire de regrouper les éléments
correspondant à différentes sous-unités de
sens.
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