Le Résumé
© 2023 Guy Spielmann
 
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Exemple 3

Les grandes inventions
Gérald Messadié, Les Grandes Inventions du monde moderne (Bordas). 887 mots

     
Il convient d'observer un grand changement dans le domaine des inventions: celles-ci se font de plus en plus collectives. Dans le passé, à moins qu'il fût reculé, le nom d'un savant était toujours attaché à l'invention: par exemple, celui de Denis Papin à la machine à vapeur, de Stephenson à la locomotive, de Marconi à la télégraphie sans fil. Les moyens matériels nécessaires à une invention restaient, en effet, à la portée d'un particulier, fût-il moyennement fortuné. Il en fut ainsi jusque dans les premières décennies du XXe siècle; même l'astronautique moderne a été préparée par les expériences d'un Goddard, qui sont encore à la portée d'un écolier ou d'un étudiant.
     Mais, au fur et à mesure que la technologie progresse, l'invention exige la mise en œuvre de moyens de plus en plus considérables et coûteux. Leeuwenhoek inventa sans se ruiner le microscope optique; mais Knoll et Ruska, qui inventèrent le microscope électronique en 1932, n'y parvinrent qu'à l'aide d'un équipement de haut niveau qui ne pouvait être leur propriété. La tradition consent encore que, dans certains cas, le nom d'un individu qui fait une invention avec le matériel d'une grande firme soit associé à cette invention, celle-ci devenant automatiquement la propriété de la firme. Mais, pour un certain nombre de raisons, essentiellement juridiques et financières, c'est de moins en moins souvent le cas. L'invention tend à être présentée sous le nom de la firme au sein de laquelle elle a été réalisée. Cela s'explique parfois par le fait qu'il n'y a pas un, mais plusieurs inventeurs, qui ont travaillé en équipe, parfois aussi par le fait que, même due à un seul individu, l'invention a été l'aboutissement de recherches déterminées, financées par la firme et que celle-ci s'en considère comme la propriétaire légitime. Il devient de plus en plus difficile de rééditer des exploits tels que celui d'un Wheatstone, qui inventa la stéréoscopie, ou d'un Sainte-Claire Deville, qui inventa un procédé d'extraction de l'aluminium.
     On peut ainsi prévoir qu'au XXIe siècle la majorité des inventions sera la propriété de grandes firmes disposant de moyens de recherche considérables. Autrement dit, que l'invention passera presque intégralement sous le contrôle de secteurs économiques clos, multinationales ou organismes d'État.
    Notre premier ouvrage offrait au lecteur un sujet de réflexion particulier: l'ancienneté de certaines inventions tenues pour «modernes», comme le cardan ou la machine à vapeur. Le présent ouvrage devrait en offrir un autre: celui de Ia technicité croissante des inventions, qui leur prête un caractère quasi invisible.
     Ainsi, à l'exception du remplacement des moteurs à hélice par des turboréacteurs, il n'y a apparemment pas de différence essentielle entre un Potez des lignes aériennes de 1939 et un Boeing 747 ou un Airbus des mêmes lignes en 1980. Pourtant, les deux derniers appareils diffèrent considérablement du premier: les automatismes s'y sont multipliés, dont un système d'équilibrage, automatique lui aussi, qui rend l'avion beaucoup plus stable. On ne peut pas dire que les automatismes aient été «inventés» au XXe siècle; en fait, ils existent depuis le régulateur à flotteur de l'école d'Alexandrie. Mais c'est au XXe siècle qu'ils se sont répandus et imposés.
     Il en va de même de la miniaturisation. Elle n'a d'ailleurs été inventée par personne. On pourrait, à l'extrême rigueur, désigner les Américains Bardeen, Brattain et Shockley, inventeurs du transistor, comme trois de ses pères putatifs, mais les trois physiciens s'étaient, en fait, limités à l'invention du transistor, pièce qui succéda à l'antique triode. Toujours est-il que la miniaturisation a touché une part immense de la production industrielle du XXe siècle, surtout dans le domaine de l'électronique.
     Impossible enfin de trouver un inventeur à la machine outil à commande numérique, dernier cri de la «productique», qui fonctionne sur les instructions d'un ruban perforé. Ou plutôt si: son inventeur n'est autre que ce mécanicien visionnaire du XVIIIe siècle, Jacques de Vaucanson, auquel on doit le premier métier à tisser automatique, fonctionnant sur cartes perforées. Ainsi un produit qui parait récent n'est le plus souvent que l'avatar d'une invention ancienne.
     Dernier trait qui caractérise la technique du XXIe siècle: elle est devenue quasi incontrôlable. Elle suit son évolution autonome, comparable en cela au fonctionnement de l'A.D.N., qui semble «indifférent» au destin des cellules dont il commande la production (au point que de grands biologistes l'ont d'ailleurs qualifié d'«égoïste»).
     Ce dernier caractère, indéniablement troublant, tient à l'imprévisibilité de la science. S'il est bien exact que des milliers de scientifiques dans le monde entier s'efforcent de trouver des solutions à des problèmes déterminés, comme le cancer, il demeure que c'est le hasard qui, le plus souvent, fait danser les inventions au son de ses violons. Ainsi, en répertoriant les gènes humains et les rapports de plusieurs de leurs anomalies avec certaines maladies, on découvre qu'il y a des gènes qui prédisposent au cancer de l'utérus, du sein, du côlon, etc. Le remède n'est sans doute pas là où on le cherche ; il résiderait sans doute dans la correction du gène défectueux. C'est aussi par hasard que Bernard Raveau a découvert un matériau qui est supra-conducteur bien audessus des températures reconnues. Comme on ne peut guère inventer qu'à partir de ce que l'on sait parce qu'on l'a découvert, il s'ensuit que les inventions sont tributaires des découvertes, et, dans une large mesure, du hasard.


Combien de paragraphes?

     Nous allons « perdre » plus de temps que dans les cas précédents en ne commençant la rédaction qu'une fois établi le plan détaillé.
     Le texte comporte neuf paragraphes, ce qui est beaucoup trop pour le résumé. Il est indispensable de regrouper pour répondre à la question fondamentale: combien de paragraphes dans le résumé? En fait, ce premier travail est assez facile car le texte est organisé autour de trois idées:

  • les inventions deviennent COLLECTIVES;
  • les inventions deviennent INVISIBLES;
  • les inventions deviennent INCONTRÔLABLES.

Les regroupements s'opèrent de la façon suivante:

1. COLLECTIVES (paragraphes 1, 2, 3).
2. INVISIBLES (paragraphes 4, 5, 6, 7).
3. INCONTRÔLABLES (paragraphes 8 et 9).

Il n'y a pas de grandes digressions. Notre résumé, quelle que soit sa longueur, sera donc articulé en trois temps.

Le premier paragraphe du résumé

      Ce premier paragraphe du résumé doit regrouper les paragraphes 1, 2 et 3 du texte de départ. Il est donc nécessaire de circuler à l'intérieur de ces trois paragraphes. Très vite un principe organisateur qui va nous aider à structurer le paragraphe apparait. L'auteur envisage l'opposition inventions individuelles / inventions collectives en se situant sur l'échelle du temps. Il distingue trois phases dans l'histoire des inventions:

1. AUTREFOIS (inventions individuelles).
2. AUJOURD'HUI (inventions de plus en plus collectives).
3. DEMAIN (l'invention sera uniquement collective).

Cette articulation en trois points devra se retrouver dans le résumé. Cela implique la translation de certaines sous-unités de sens.

La nécessité de translations

     Il ne saurait être question de modifier l'ordre des grandes unités de sens et d'avoir, par exemple, un résurné qui commencerait par s'arrêter sur le caractère incontrôlable des inventions alors que cet élément arrive à la fin du texte. Mais, pour donner plus de vigueur à la structure du paragraphe, il est possible d'opérer des translations à l'intérieur d'une même unité de sens.
     L'étude des trois premiers paragraphes permet d'illustrer ce point de vue. L'auteur évoque «autrefois» en deux endroits du premier paragraphe (Papin, Stephenson, Marconi d'une part et Goddard d'autre part) et en deux endroits du second paragraphe (Leeuwenhoek d'une part et Wheatstone, Sainte-Claire Deville d'autre part). Donc quatre fois le retour sur des exemples relatifs à des personnes se situant dans l'«autrefois» et qui ont attaché leur nom à une invention. Dans la mesure où le résumé abrège, il n'est pas possible de procéder de la même manière. Il faut donc là encore regrouper.
     Ces transferts effectués, nous savons que le premier paragraphe de notre résumé correspond au schéma suivant :



Le deuxième paragraphe du résumé

     Le deuxième paragraphe du résumé qui se rapporte au caractère invisible des inventions, regroupe donc les paragraphes 4, 5, 6 et 7 du texte.
     Cette seconde unité de sens est une démonstration qui s'appuie sur trois exemples. Après un paragraphe de transition (§ 4), le texte s'articule en trois temps correspondant à ces exemples:

1. L'automatisme (§ 5).
2. La miniaturisation (§ 6).
3. La machine à commande numérique (§ 7).

On pourrait donc imaginer un paragraphe articulé de la même façon en trois temps. Cependant, nous constatons qu'à l'occasion de chacun de ces trois exemples, l'auteur revient sur la même idée. le principe mis en œuvre n'est pas vraiment nouveau, et pourtant le produit est devenu nouveau parce que ce principe a simplement été systématisé et amplifié. C'est en cela que, dans les trois cas, il est possible de parler d'invention «invisible».
     L'auteur se répète donc et cela n'a rien de gênant puisqu'il s'agit chaque fois d'étayer un peu plus la démonstration. Mais impossible de redire trois fois la même chose dans le résumé.
     Il faudra à la place privilégier l'idée commune aux trois exemples en ne disant qu'une fois ce que l'auteur dit trois fois. L'élément important est là parce qu'en relation directe avec la problématique du texte. Les trois exemples seront évoqués si l'on dispose d'un contingent de mots suffisant. Dans le cas contraire, il faudra les sacrifier.

Le plan détaillé

     Au terme de cet examen du texte, nous pouvons établir le plan détaillé qui suit. La rédaction se fera à partir de ce plan détaîllé avec, éventuellement, de rapides retours sur le texte pour une vérification ou un complément d'information.

Premier résumé

     Le résumé qui suit correspond à un sujet exigeant un résumé en 200 mots et qui peut donc aller de 180 à 220 mots.

     Les inventions ne sont plus, comme autrefois, l'apanage d'un individu qui y attachait son nom. Denis Papin, Stephenson, Marconi, Goddard, Leeuwenhoek, Wheatstone, Sainte-Claire Deville sont passés à la postérité, mais de tels exemples deviennent rares. Parce qu'elle demande des équipements coûteux, un travail en équipe, et aussi pour des raisons juridiques et financières, l'invention tend aujourd'hui à devenir collective. Demain, elle ne pourra plus émaner que d'une multinationale ou d'un État.
     Un autre caractère de l'învention dans le monde moderne est qu'elle est invisible. Il ne s'agit souvent que de l'amplification de processus qui en fait ont été inventés il y longtemps. Cela vaut tout autant pour l'automation, la miniaturisation que pour la machine-outil à commande numérique. Dans ces trois cas, un processus ancien a été simplement systématisé.
     La troisième caractéristique de l'invention dans le monde moderne, c'est qu'elle est incontrôlable. Les efforts des savants convergent vers des buts communs, mais, ainsi que le prouvé l'étude des gènes et des supra-conducteurs, l'invention n'est pas vraiment prévisible et relève en grande partie du hasard.

Deuxième résumé en 120 mots

     Les inventions ne sont plus, comme autrefois, le fait d'un individu, mais leur origine tend à devenir collective. Pour des raisons à la fois techniques et juridiques, elles n'émaneront plus, très prochainement, que d'un État ou d'une multinationale.
     L'invention, dans le monde moderne, est aussi invisible. Le produit se transforme, non pas du fait d'une nouveauté, mais à cause de la mise en œuvre systématique de processus connus depuis longtemps. Tel est le cas, par exemple, de l'automatisme, de la miniaturisation et des machines à commande numérique.
     Enfin l'invention reste incontrôlable. On sait ce qu'on cherche sans pouvoir prévoir ce que l'on va trouver, car le hasard continue de jouer un rôle fondamental dans ce domaine.

Troisième résumé

     Le libellé du sujet exige cette fois que le texte soit ramené à 70 mots. On remarquera que plus le nombre de mots alloués pour le résumé est faible et plus la marge de dépassement se réduit. Ici, cette marge, dans un sens ou dans un autre, est de 7 mots et, dans le cas suivant d'un résumé de 30 mots, elle ne sera que de trois mots.

     Les inventions ne sont plus le fait d'un individu, mais, pour des raisons techniques et juridiques, elles ont aujourd'hui une origine collective.
     L'invention, actuellement, participe aussi de l'invisible. La transformation des produits provient en fait de l'amplification de processus connus depuis longtemps.
     Enfin, l'invention moderne est incontrôlable parce que le hasard continue de jouer un rôle primordial dans ce domaine.

Déjà ici, on pourrait tout regrouper et donc ne pas aller à la ligne. C'est ce qu'on devra faire pour le quatrième résumé ci-dessous, où l'on se limite à 30 mots. Bien que ce type de situation soit rare car, en général, la réduction demandée est moindre, l'exemple nous est utile pour des raisons de méthode:

Les inventions ont de plus en plus un caractère collectif. Elles perdent aussi en spectaculaire pour devenir invisibles parce que progressives. De plus, le rôle prédominant du hasard les rend imprévisibles.

Remarques

     Nous constatons que, pour ce quatrième résumé, la répartition des matériaux en trois paragraphes distincts disparaît. Cependant, en dépit de ce regroupement, l'articulation en trois temps subsiste.
    La règle de base est qu'un paragraphe doit être relativement consistant. Si, pour une raison quelconque, et, en particulier le peu de mots dont on dispose, il se ramène à une seule phrase, il faut étudier la possibilité d'un regroupement; mais, quoi qu'il arrive, la structure du texte doit être maintenue, même si l'on résume le texte en une seule et unique phrase: «Les inventions deviennent aujourd'hui collectives, invisibles et incontrôlables.»
     Cette nécessité de conserver la structure du texte de départ,, quelle que soit l'ampleur de la réduction, apparaît bien sur le schéma de plan élaboré à partir de ce texte. Pas de bon résumé sans l'application de cette règle.

     Le résumé doit être fortement structuré pour rendre avec netteté l'articulation du texte en quelques grandes unités de sens.
     Pour rendre cette structure plus vigoureuse, il est souvent nécessaire de regrouper les éléments correspondant à différentes sous-unités de sens.

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