Les Pratiques Textuelles
 

     Petite initiation aux principes et techniques d'analyse textuelle pratiquées dans le secondaire et le premier cycle universitaire, en France et dans la plupart des pays francophones.
     Ce document peut être lu de façon linéaire, ou hypertextuelle.

Introduction
Les Formes
Avant de commencer à écrire...
La Structure
L'introduction
Le développement
La conclusion
L'Analyse de texte
L'approche du texte: décrire, analyser, interpréter
L'élucidation du sens
Le sens du texte
L'opinion et les sentiments
Le fond et la forme
Le plan 
Les Outils
Le dictionnaire
Le manuel de grammaire ou de conjugaison
Les ouvrages spécialisés
Les outils en ligne
D'autres ressources sur ce site:

La Phrase complexe: Guide pratique
Exercices de réécriture
Répertoire des impropriétés et des anglicismes
Améliorer un texte soins d'urgence
Le Texte argumentatif: Stratégies de composition.
Le Résumé L'essentiel à savoir pour faire un bon résumé
La Dissertation L'essentiel à savoir pour entreprendre une dissertation

  Introduction

    Les études supérieures sont pour une très large part centrées autour de l'étude de textes—historiques, politiques, littéraires, philosophiques—qui demandent d'abord une lecture analytique, puis une discussion orale ou écrite des points d'intérêt que ces textes comportent. Les étudiants sont également censés produire eux-mêmes des textes: résumés, commentaires (commentaire composé, explication de texte) ou essais à partir de sujets donnés (dissertation). La tradition universitaire française a établi des formes très précises pour la pratique de la lecture, de l'analyse, de l'argumentation et de la rédaction; pour réussir, l'étudiant doit en avoir parfaitement assimilé le sens et les techniques afin de pouvoir se concentrer sur le contenu. Lorsqu'ils atteignent la Terminale, ceux qui ont effectué leur scolarité dans le système français possèdent déjà sept ans d'expérience dans ce domaine, contrairement à l'étudiant étranger qui aura rarement bénéficié d'une formation aussi poussée, et ne peut s'attendre à ce que ses professeurs reviennent en cours sur les techniques supposées connues de tous.

     Ce guide a donc pour but de donner à l'étudiant étranger (et même à l'étudiant français ou francophone) une vue d'ensemble des pratiques textuelles auxquelles il devra rapidement s'initier, en soulignant leur sens, leurs buts, les techniques propres à chacune d'elles et les pièges à éviter. Je renvoie dans la section bibliographique à des ouvrages bon marché et facilement trouvables qui traitent en détail, et à l'aide d'exemples, de chaque forme particulière.

Attention!

      Une lecture rapide de ce guide peut laisser à penser que les techniques et les principes décrits ne sont pas fondamentalement différents de ceux en vigueur dans les autres pays; l'étudiant étranger sera donc tenté de se dire «je connais déjà tout ça» et de ne pas s'y attarder. Ce serait une erreur; en effet, la spécificité du système français exige de l'étudiant qu'il domine parfaitement les techniques propres à chaque forme, faute de quoi un devoir ou une présentation—même si ils avancent des idées ou des explications tout à fait satisfaisantes—ne recevront pas la moyenne.

     Pour un étranger, l'approche française de la pratique textuelle peut sembler excessivement formaliste, car le savoir-faire semble parfois importer plus que les idées ou la créativité. En réalité, ces contraintes sont des outils qu'on donne d'abord à l'étudiant pour discipliner et structurer la pensée; il faut les maîtriser pour pouvoir les transcender, car un bon devoir doit combiner à la fois une approche personnelle et une argumentation très rigoureuse. Certaines particularités risquent de déconcerter l'étudiant... et se traduire par de mauvaises notes si elles ne sont pas respectées: ainsi, la valeur du devoir se joue presque entièrement sur la qualité du plan, et une copie qui présenterait des idées brillantes dans un français impeccable peut très bien ne pas obtenir la moyenne et plafonner péniblement à 8/20 si la structure en est jugée insuffisamment claire et rigoureuse.

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 Les Formes

     Je n'ai retenu ici que quatre formes qui recouvrent la plus grande partie des devoirs sur table ou à la maison qu'un étudiant du premier cycle devra effectuer. Je laisse de côté les techniques plus avancées (comme la rédaction d'un mémoire) ou particulières à certains cursus.

  • La Lecture méthodique des textes sert de préparation à l'écrit, pour l'explication et le commentaire composé. Elle vise à explorer, pour un même texte, divers niveaux et axes de lecture possibles en vue d'une explication «consciente de ses démarches et de ses choix», c'est-à-dire qui a entrevu de multiples «entrées» dans le texte, mais n'en a retenu que les plus enrichissantes. Application: tous domaines, mais en particulier la littérature.
    L'Explication de texte, à l'oral ou à l'écrit, consiste à commenter un extrait ou un texte complet, mais court (une ou deux pages) en suivant sa progression, phrase par phrase, parfois mot à mot (pour un poème par exemple). Application: textes littéraires essentiellement, mais aussi journalisme, philosophie ou politique.
    Le Commentaire composé, à l'écrit, plus rarement à l'oral, consiste à commenter un extrait assez long ou un texte selon une méthode synthétique qui met en relief un nombre limité de centres d'intérêt ou d'axes de lecture. Application: tous domaines, mais en particulier la littérature.
  • La Dissertation consiste à rédiger un texte argumentatif à partir d'une question exprimée en quelques mots, qui peut se présenter sous forme de citation, et comporter des directives qui en précisent la portée et les limites. Application: Elle peut être générale, philosophique, ou littéraire (auquel cas elle est parfois nommée «essai littéraire»).
     
  • Le Résumé (ou concentration de texte), à l'écrit, ou parfois à l'oral, consiste à réduire un texte assez court (une ou deux pages, un millier de mots) dans la proportion d'un quart (25%) de l'original. Dans les épreuves d'examen, il est souvent complété par un commentaire. Application: textes argumentatifs essentiellement.

Avant de commencer à écrire...

     On vous a donné le texte (explication, commentaire, rédaction) ou le sujet (dissertation). Que faire? D'abord, résister à la tentation de se lancer dans la rédaction d'un brouillon de devoir tout de suite après la lecture. Quel que soit le laps de temps dont vous disposez pour faire votre travail—une demie-heure de préparation pour une explication orale, quatre heures pour un examen sur table, plusieurs jours pour un devoir à la maison—, vous devez respecter les mêmes étapes:

  • La première lecture permet de découvrir le texte (ou le sujet, qui eut se résumer à une courte phrase), de noter d'emblée des points d'intérêt et/ou de difficulté (ce sont souvent les mêmes!)
  • L'élucidation du vocabulaire qui pose problème, si vous êtes à la maison ou si certaines ressources sont permises en classe (dictionnaire, en particulier)
  • La relecture se matérialise par une prise de notes plus substantielle, qui comprendra des ébauches de questions à se poser, de pistes à suivre, d'arguments à développer (une «problématique»)
  • L'organisation des notes en vue de la constitution d'un plan. Cette étape est absolument fondamentale; c'est là que se décide la qualité du devoir. Une fois le plan établi et vérifié (Est-il complet? logique? équilibré?), vous pouvez— enfin—passer à la rédaction d'un brouillon.

Voir Le texte argumentatif: Stratégies de composition pour le détail des étapes à suivre.

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 Le plan

     Le plan est souvent l'élément le plus déterminant d'un devoir écrit; de bonnes idées, des connaissances solides, des analyses brillantes seront jugées insuffisantes si elles ne sont pas organisées de façon stricte, rationnelle et efficace. Toute explication, toute présentation orale ou écrite se doit d'abord de respecter une structure tripartite: introduction, développement, conclusion.

L'introduction «lance» le devoir en annonçant les directions qu'il va prendre et pourquoi; idéalement, elle pique l'intérêt du lecteur. S'il s'agit d'un passage à commenter, elle situe brièvement celui-ci dans un contexte (historique, social, etc.), dans un co-texte (les autres oeuvres de l'auteur, les autres uvres d'un même genre, etc.), et expose les axes de lecture que vous allez poursuivre. Dans la dissertation, elle reprend l'intitulé du sujet dont elle explore les diverses interprétations possibles, afin de définir la problématique.

Ne vous contentez jamais d'utiliser l'introduction comme une sorte de table des matières, de récapitulatif des points que vous allez traiter. Ne donnez pas à l'introduction le style d'un sommaire («Dans la première partie, je vais parler de...; dans la deuxième partie... etc.»).

 Ne livrez pas vos conclusions dans l'introduction. Un certain suspense doit subsister jusqu'au bout du devoir.

Le développement est le corps du devoir, qui doit lui-même suivre un plan bien agencé.

Il n'existe pas de plan idéal; vous devez trouver celui qui convient le mieux pour chaque devoir, en fonction de  l'argumentation que vous avez choisie.

Pour organiser votre devoir le plus efficacement possible, il faut déterminer une progression, un «fil» qui guide le correcteur. Dans l'explication de texte, ce fil peut être tout simplement l'ordre de lecture. Dans une dissertation, vous devrez généralement agencer vos propos selon une progression dialectique (thèse / antithèse / synthèse). Dans un commentaire composé, le rapport entre les centres d'intérêt sera très variable, et il faudra donc prendre soin de ménager de bonnes transitions pour indiquer clairement l,articulation du plan. En général, on s'attend à ce que vous alliez du particulier au général, de l'accessoire à l'essentiel, des remarques microstructurelles aux conclusions macrostructurelles.

N'oubliez pas d'utiliser les paragraphes judicieusement pour marquer vos articulations—ce qui ne vous dispense d'ailleurs pas de l'usage des transitions!


La conclusion vous permet de prendre un certain recul par rapport au texte que vous venez d'expliquer, ou aux arguments que vous avez présentés dans une dissertation. C'est là que vous examinerez l'originalité ou l'intérêt du texte dans une perspective élargie, générale; c'est aussi là où vous pouvez porter sur le texte une appréciation vraiment personnelle.

Ne vous contentez jamais d'utiliser la conclusion comme une sorte de table des matières, de récapitulatif des points que vous venez de traiter.

Ne vous contentez pas de reprendre votre synthèse en guise de conclusion; ajoutez-y une réflexion à un niveau différent.
 

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 L'analyse de texte (lecture méthodique)

     Il est essentiel de connaître et d'appliquer les principes qui suivent dans tous les exercices généraux d'analyse de texte. Ces directives ne constituent pas un simple «format» de présentation, mais une méthode heuristique qui permet de comprendre --- et d'apprécier --- les textes qu'on étudie à un niveau bien plus profond qu'on peut le faire lors de la lecture cursive.

L'approche du texte: décrire, analyser, interpréter
     Il est nécessaire d'apprendre à aborder un texte (littéraire, argumentatif, journalistique ou autre) de façon systématique et raisonnée qui permette de dépasser la «lecture naïve» d'où naissent des impressions superficielles. Le moyen le plus sûr consiste à procéder selon trois étapes: décrire, analyser, interpréter. Bien qu'il faille au départ respecter cet ordre, l'explication consiste à opérer de constants aller-et-retours entre les trois; en effet, toute hypothèse sur la production du sens (niveau de l'interprétation) exige d'être vérifiée de façon précise à partir des caractéristiques objectives du texte (niveau de la description) et du fonctionnement du texte lors de la lecture (niveau de l'analyse).

a) Décrire, c'est faire un certain nombre de constations objectives sur le texte, afin d'obtenir une base solide sur laquelle l'analyse et l'interprétation viendront se fonder. Pour ce faire, il faut poser certaines questions (qui pourront éventuellement rester sous forme d'interrogation, si la réponse n'est pas claire, mais qui doivent être soulevées):

  • S'agit-il d'un texte complet? D'un extrait? Si c'est un extrait, les limites en ont-elles été fixées par l'auteur lui même, ou par l'éditeur?
  • De quel type de texte s'agit-il? (prose romanesque, poésie, théâtre, journalisme, essai...) Reflète-t-il les conventions formelles d'un genre? (en poésie surtout, mais pas uniquement)
  • A priori, quel(s) semble(nt) être le(s) but(s) du texte: exprimer une opinion, un sentiment, divertir, émouvoir, provoquer, informer, faire réfléchir?
  • Y a-t-il un narrateur explicite? Un narrateur omniscient ou participant? De quel point de vue ce texte est-il écrit? Qui parle? A qui? (Y a-t-il un narrataire distinct du lecteur?) Quand? Où? Comment?
  • Y a-t-il des personnages? Humains, voire anthropomorphiques, ou non ? (un animal, un objet, une ville, la nature peuvent être des personnages) L'attention du lecteur se focalise-t-elle sur un personnage particulier? (le «héros», sympathique ou non)
  • Quelles sont les caractéristiques linguistiques du texte? Phrases longues («périodes») ou courtes (style «haché»), fortement structurées ou plus proches de l'oral; niveau de langue soutenu, familier; lexique simple ou complexe (mots rares), concret ou abstrait; champs lexicaux ou sémantiques (mots ou formules qui se font écho pour communiquer une impression, préciser ou nuancer le sens). Quels effets ou figures de rhétorique sont-ils utilisés?

2) Analyser, c'est démonter le mécanisme du texte, mettre en évidence comment il fonctionne, comment il cherche à atteindre le(s) but(s) que l'auteur a fixé(s), ou comment il arrive à produire sur le lecteur certains effets:

  • Quels sont les effets prévisibles sur le lecteur des caractéristiques du texte mises en relief dans la description? Comment l'auteur implique-t-il le lecteur dans le texte? Comment joue-t-il avec lui? Cherche-t-il à le tromper pour provoquer un effet de surprise? Lui demande-t-il de tirer ses propres conclusions? De fair des inférences? Cherche-t-il à l'influencer de façon indirecte? A le manipuler? Veut-il laisser planer le doute, l'ambiguïté? Est-il plutôt didactique?
  • Observe-t-on un effet de réel (ou illusion référentielle) qui vise à distraire le lecteur du fait que le texte appartient au domaine de la fiction? (par exemple grâce à l'accumulation de détails techniques: date, noms de lieux, etc.)

Expliquer le fonctionnement d'un texte est parfois facilité par le raisonnement a contrario, ou en considérant une possible alternative: on comprend mieux comment telle caractéristique du texte produit tel effet de sens lorsqu'on considère ce qui se passerait si une autre solution avait été adoptée.
 Attention à ne pas attribuer uniquement le fonctionnement du texte aux «intentions» de l'auteur, comme ci celui-ci en contrôlait exactement tous les mécanismes: un texte peut offrir sur son auteur des révélations que celui-ci n'a pas désiré y mettre, ou peut provoquer chez le lecteur des effets de sens qui n'étaient pas intentionnels (en particulier s'il existe entre auteur et lecteur une importante distance chronologique, culturelle, sociale, etc.).


3) Interpréter, enfin, c'est proposer des hypothèses, sinon des conclusions sur le sens du texte. Si l'on a fait soigneusement le travail de description et d'analyse, on se rend compte que le sens du texte, s'il n'est jamais exactement réductible à une seule dimension, à un seul «message», peut être précisé en fonction de paramètres assez objectifs. Il peut se révéler obscur, ambigu, paradoxal, mais il n'est jamais aléatoire.
     Il est utile de revenir, au moment de l'interprétation, sur ses impressions premières: sont elles confirmées? Pourquoi? De telles vérifications permettent parfois de mettre en évidence des mécanismes de signification que l'on n'avait pas remarqués au premier abord.
Il faut rester conscient du fait que le texte a été écrit pour un public bien précis et que, dans le cadre d'un travail universitaire, l'étudiant est censé proposer une interprétation qui tienne compte du contexte socio-culturel de réception d'origine. Il faut donc s'efforcer de mettre entre parenthèses sa propre sensibilité de lecteur contemporain d'une oeuvre souvent ancienne, quite à l'offrir en complément ou en contraste à l'interprétation «historiquement correcte» qu'attend l'examinateur.

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 L'élucidation du sens
     Avant d'entreprendre une analyse quelconque, il faut s'assurer que l'on a bien compris le sens de ce qu'on analyse, qu'il s'agisse d'un texte ou d'une brève citation qui sert de sujet à une dissertation. Il s'agit donc de procéder à une série de lectures, qui permettent d'éclairer les zones d'ombre, réduire les ambiguïtés et préciser ce qui paraît vague:

1) une première lecture cursive de défrichement, qui permet d'obtenir une vue d'ensemble du texte, d'en tirer des impressions préliminaires, et d'y marquer des passages, des mots ou des expressions qui posent problème;

2) une seconde lecture attentive, qui cherche à résoudre les problèmes linguistiques, grâce au dictionnaire (cf. infra), s'il est disponible, ou par un décodage basé sur la logique et le contexte.

3) une troisième lecture de synthèse, qui permet de réviser ses premières impressions à la lumière des éclaicissements opérés lors de la deuxième lecture.

4) une quatrième lecture d'analyse, où l'on s'attaque véritablement au travail du texte

Le sens du texte
    Déterminer le sens d'un texte est toujours délicat, et ce pour au moins quatre raisons:

  • On peut toujours argumenter que le sens, en dernière analyse, n'existe qu'en fonction d'un lecteur donné, et qu'il reste donc «ouvert» à l'interprétation, c'est-à-dire entièrement subjectif (déterminé par le sujet lisant).
  • Il peut sembler y avoir, pour un même texte et un même lecteur, une pluralité de sens posssibles simultanément.
  • Le sens du texte en soi peut se voir profondément modifié par le cotexte (les autres textes ou objets signifiants qui sont en rapport avec lui) et/ou le contexte (les circonstances dde sa production et de sa réception, par sa postérité, son impact, son influence); le sens se détermine donc en partie à l'extérieur du texte.
  • le sens que l'auteur (cf. infra) a délibérément voulu donner au texte n'est donc pas forcément celui que le lecteur perçoit. Il faut tenir compte de ce décalage.

Que faire?

  • tenter d'identifier au maximum les conditions de production et de réception du texte (date, contexte socio-historique, etc.) et rester conscient des différences entre celles-ci et les conditions actuelles dans lesquelles nous lisons ce texte.
  • tenir compte du fait que ces circonstances peuvent affecter le sens même des mots, ou leur apporter une connotation qu'ils n'ont plus.
  • si ces circonstances ne sont pas connues, éviter de projeter, par défaut, un contexte actuel sur un texte qui ne l'est peut-être pas (anachronisme).
  • considérer diverses probabilités de signification, que vous présenterez sous forme d'hypothèses concurrentes, en privilégiant les plus vraisemblables.
  • ne jamais construire une argumentation sur «le message du texte» (ou de l'auteur) en considérant qu'il y a un sens unique, évident et invariable (sens immanent).
  • ne jamais construire toute une argumentation à partir d'un seul des sens possibles d'un mot ou d'une expression qui peuvent désigner plusieurs notions ou concepts. Ceci est crucial pour la dissertation, où il est souvent indispensable de commencer par examiner les possibilités de sens qu'offre une formule ou une phrase donnés comme sujet.
  • ne jamais raisonner à partir du sens qui s'impose d'emblée à vous. Le travail du texte est aussi un exercice de dépassement de ses jugements a priori.

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 L'opinion et les sentiments
     En tant que lecteur, vous êtes censé avoir une opinion sur le texte, sur ce qu'il dit et sur la manière dont il le dit. D'autre part, un texte, surtout dans le domaine littéraire, a généralement pour but de provoquer chez vous une émotion, de stimuler certains sentiments.

     Or, le travail du texte ne peut en aucun cas se résumer à exprimer des opinions ou des sentiments, même de façon éloquente.

     Plutôt que de réprimer ces opinions et ces sentiments, on peut les canaliser et les intégrer dans une approche du texte qui soit rationnelle. Il faut penser qu'une opinion ou un sentiment personnels n'ont que peu d'intérêt s'ils ne sont pas partagés par d'autres: à vous donc de trouver les arguments qui vont convaincre votre interlocuteur, et lui faire partager vos vues. D'un autre côté, une opinion, un sentiment ne sont que rarement tout à fait uniques et individuels: ils reflètent des structures culturelles plus larges.

Si vous exposez vos opinions et vos sentiments, faites-le dans le cadre d'une argumentation qui repose sur le texte de façon précise. A ce moment là, vous cessez d'être purement subjectif pour devenir une sorte de «lecteur lambda» dont l'expérience est généralisable.
  Essayez de relativiser vos opinions et vos sentiments en fonction de votre profil socio-culturel; soyez conscient du fait que vous analysez en tant que lecteur de la fin du XXe siècle, en tant que jeune Français ou Américain, etc., et que cette identité colore votre lecture. Mieux vaut revendiquer sa subjectivité et en articuler les caractéristiques que de faire comme si tout lecteur devait penser et sentir comme vous!
  Prenez l'habitude de présenter vos opinions et vos sentiments à l'aide de formules d'encadrement qui vous forcent à développer une argumentation. Par exemple, au lieu de dire ou d'écrire
     «Ce poème est extrèmement émouvant.»
dites:
     «Ce poème nous semble extrèmement émouvant parce que...»
ce qui amène naturellement une explication, une justification.
  Dans une dissertation, vous n'avez pas toujours de texte sur lequel vous appuyer; il faut faire très attention à ne pas aligner des idées ou des impressions que rien ne vient corroborer. Vous utiliserez donc les lectures faites pendant le cours et les notes que vous avez prises pour argumenter à partir des oeuvres de tel ou tel auteur, de telle ou telle théorie ou courant philosophique, et d'exemples précis tirés de l'histoire, de la littérature, ou parfois même de l'actualité.
  Attention à l'escamotage complet de votre personnalité derrière une explication entièrement mécanique; en tant que lecteur vous devez réagir au texte, et en proposer une explication qui ne renonce pas à toute individualité. On voit trop souvent, en particulier au niveau du deuxième cycle, des étudiants qui appliquent systématiquement à n'importe quel texte une «grille de lecture» (psychanalyse, génétique, déconstruction) à tort et à travers, sans vraiment le lire.

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 Le fond et la forme
     Toute explication de texte doit reposer sur une étude simultanée du fond (le sens, le signifié, la substance) et de la forme (le signifiant, l'expression, le «style») dans la mesure ou ils se complètent mutuellement. Ce principle, assez simple à formuler, se révèle délicat à mettre en pratique.

  • Dans le cas de la poésie, le rôle de la forme (métrique, sonorités, images) peut sembler facile à déterminer, alors qu'il l'est beaucoup moins dans la prose romanesque, le théâtre ou les textes argumentatifs: pour bien expliquer un poème, il est souvent nécessaire d'alterner l'explication de la forme au fond, en un va-et-vient constant. Pour ce qui est de la prose, on peut être un peu moins systématique.
  • Dans l'absolu, toute remarque sur le fond en appelle une sur la forme, et vice-versa: dès lors que le texte produit un sens, il le fait d'une certaine manière qui est analysable, et tout élément de forme produit ou contribue à produire du sens d'une certaine manière qui est également analysable. Aucun sens ne «va de soi».

Respectez toujours l'équilibre et l'ordre des trois phases: décrire, analyser, interpréter. Cela empêche de sauter tout de suite à l'interprétation en négligeant la forme.
Familiarisez-vous avec les principaux procédés stylistiques et figures de rhétorique. Voir par ex. le site La Clé, le Lexique des études littéraires de J.-P. Gadenne ou le Lexique de P. Lavergne.
Ne présumez pas qu'un texte qui semble assez neutre du point de vue de l'expression, ou stylistiquement peu marqué, ne présente aucun intérêt du point de vue de la forme; l'absence même d'éléments stylistiques évidents joue un rôle (c'est ce que Barthes nomme «le degré zéro de l'écriture»).
Ne faites jamais de remarques sur la forme qui n'ont aucune implication sur le sens.
 


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 Le plan
     Le plan est souvent l'élément le plus déterminant d'un devoir écrit; de bonnes idées, des connaissances solides, des analyses brillantes seront jugées insuffisantes si elles ne sont pas organisées de façon stricte, rationnelle et efficace. Toute explication, toute présentation orale ou écrite se doit de respecter une structure tripartite: introduction, développement. conclusion.

  • L'introduction présente un passage en le situant brièvement dans un contexte (historique, social, etc.), dans un cotexte (les autres œuvres de l'auteur, les autres œuvres de ce genre, etc.), et expose la problématique sur laquelle vous entendez fonder votre explication, les axes de lecture que vous allez poursuivre. Elle «lance» le devoir, en piquant l'intérêt du correcteur.

Ne vous contentez jamais d'utiliser l'introduction comme une sorte de table des matières, de récapitulatif des points que vous allez traiter.
  • Le développement est le corps du devoir, qui doit lui-même suivre un plan bien agencé. Il n'existe pas de plan idéal; vous devez trouver celui qui convient le mieux pour chaque devoir, en fonction de l'argumentation que vous avez choisie.

  Pour organiser votre devoir le plus efficacement possible, il faut déterminer une progression, un «fil» qui guide le correcteur. Dans l'explication de texte, ce fil peut être tout simplement l'ordre de lecture. Dans une dissertation, vous devrez généralement agencer vos propos selon une progression dialectique (thèse / antithèse / synthèse). Dans un commentaire composé, le rapport entre les centres d'intérêt sera très variable, et il faudra donc prendre soin de ménager de bonnes transistions pour indiquer clairement l'articulation du plan. En général, on s'attend à ce que vous alliez du particulier au général, de l'accessoire à l'essentiel, des remarques microstructurelles aux conclusions macrostructurelles.
   
N'oubliez pas d'utiliser les paragraphes judicieusement pour marquer vos articulations—ce qui ne vous dispense d'ailleurs pas de l'usage des transitions!
  • La conclusion vous permet de prendre un certain recul par rapport au texte que vous venez d'expliquer, ou aux arguments que vous avez présentés dans une dissertation. C'est là où vous examinerez l'originalité ou l'intérêt du texte dans une perspective élargie, générale; c'est aussi là où vous pouvez porter sur le texte une appréciation vraiment personnelle.

 

 
Ne vous contentez jamais d'utiliser la conclusion comme une sorte de table des matières, de récapitulatif des points que vous venez de traiter.


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 Les Outils

     Bien que les «devoirs sur table» s'effectuent généralement sans l'aide d'aucun document, les devoirs à la maison vous donnent l'occasion de vous améliorer grâce à l'utilisation judicieuse d'outils de travail, dont les bénéfices se feront encore sentir même lorsque vous devez composer sans eux.

Le dictionnaire
     Il est impératif de travailler avec un dictionnaire non abrégé, de préférence Le Petit Robert. Les dictionnaires Larousse, et notamment Le Petit Larousse, sont inférieurs d'un point de vue linguistique, mais possèdent un caractère encyclopédique attrayant.
     Il existe des dictionnaires au format de poche (donc bon marché) couvrant divers lexiques techniques: psychologie, philosophie, informatique, marketing, linguistique, littérature, etc.


Le dictionnaire bilingue ne doit être utilisé qu'en tout dernier ressort, et seulement pour vous aider à comprendre des mots français. N'utilisez jamais le dictionnaire bilingue seul pour passer de votre langue maternelle au français: les résultats sont inévitablement catastrophiques. Si vous utilisez un bilingue, vérifiez toujours le sens des mots dans le monolingue, et profitez-en pour enrichir votre vocabulaire.

Si vous utilisez un dictionnaire bilingue, proscrivez absolument les éditions de poche, bien trop limitées.

Le dictionnaire ne peut pas vous «donner le sens» d'un mot, mais vous indique les possibilités de sens vous permettant d'interpréter ce mot. Soyez sûr d'avoir bien saisi le sens dans le contexte, surtout lorsque l'usage d'un mot ou d'une formule passe par une figure (métaphore, hyperbole, etc.)

Prenez l'habitude de noter comme aide-mémoire une définition, un équivalent, un synonyme ou un antonyme du mot ou de l'expression que vous avez cherché.

Le manuel de grammaire ou de conjugaison
     Préférez les ouvrages publiés dans le pays où vous étudiez, qui reflètent ce que les correcteurs attendent des étudiants non seulement quant aux connaissances, mais à la conceptualisation de la grammaire et aux valeurs culturelles qui s'y attachent.

Dans certains cas, il vaut mieux chercher des mots inconnus dans un livre de grammaire que dans le dictionnaire, lorsque c'est l'usage plus que le sens qui vous intéresse; c'est le cas des conjonctions, par exemple, et de nombreux adverbes ou locutions adverbiales. C'est aussi le cas des modes, des temps et des aspects verbaux, qui permettent d'exprimer de nombreuses nuances de sens en français

Les ouvrages spécialisés, annales du bac ou des concours, «profils d'une oeuvre», etc.
     Ils peuvent se révéler inestimables pour apprendre de manière très directe ce que les correcteurs attendent des étudiants dans le cadre d'une épreuve très précise. Les meilleurs offrent des principes élémentaires que les professeurs d'université n'expliquent jamais, car leurs étudiants sont censés les avoir déjà maîtrisés au lycée. Ils ne livrent pas de secrets ni de recettes magiques, puisque les règles de chaque type d'épreuve sont en réalité bien connus de tous. Toutefois, les ouvrages qui comportent des exemples sont très utiles pour comprendre à quoi ressemble un devoir-type, surtout lorsqu'on n'en a jamais fait soi-même.

Quelques titres efficaces et bon marché dans la collection «Marabout»....

Bruno Hongre, 25 Modèles d'explication de texte et de lecture méthodique.
Véronique Anglard, 50 Modèles de commentaires composés.
Geneviève Clerc, 50 Modèles de résumé de texte.
Nicole Amancy et Thierry Ventura, 50 Modèles de dissertation.

Les outils en ligne
     
Le Web offre des dizaines de sites où l'on peut trouver des ressources utiles pour ceux qui veulent améliorer leur maîtrise des techniques d'analyse et d'écriture. Ceux-ci me semblent particulièrement clairs et bien documentés

  • Le Trésor de la langue française en ligne. Dictionnaire extrèmement complet et précis. Un outil superbe. http://atilf.atilf.fr/tlfv3.htm
  • France-Examen (anciennement «Les Corrigés du Bac»): http://f16.www.france-examen.com
    Tous les sujets de dissertation du Baccalauréat depuis 95, avec des suggestions de lecture, d'idées à suivre. Une mine d'or! Voir en particulier «Le Bac blanc» et les «Annales», qui vous proposent des corrigés modèles.
  • MAGISTER http://www.site-magister.fr/
    Egalement axé sur les épreuves de français du bac, il propose des guides sur la lecture méthodique, l'argumentation, ainsi que des exemples de lectures thématiques et des études d'œuvres littéraires intégrales. Le lexique, très fourni, vous permet de trouver des définitions simples mais complètes des mots et expressions couramment employés dans les études littéraires, ainsi que des explications sur les notions de base.
  • LETTRES.NET: http://www.lettres.net
    Ce site très riche est dévolu pour l'essentiel à l'épreuve de français au bac, mais il contient de nombreux outils applicables à l'analyse textuelle et au travail d'écriture en général. On y trouve par exemple un excellent Lexique des termes littéraires
    donnant des définitions de termes techniques claires et simples.
  • PHILAGORA : http://www.philagora.net
    Un immense site consacré au savoir et à l'éducation. Voir notamment «
    J'aime le français» pour les études littéraires (niveau collège et lycée), et la méthodologie de la dissertation philosophique (qui a valeur générale par bien des aspects). Les exemples et modèles sont également très précieux. Bonus: un répertoire de citations.
  • Orthonet: http://orthonet.sdv.fr
    Le site du Conseil International de la Langue Française propose diverses ressources, dont un logiciel de correction vous offrant plus de 25 000 réponses sur des difficultés d'orthographe, de grammaire ou de syntaxe. On y trouve également des tables de conjugaisons, et une fonction «lexique» qui vous permet de retrouver un mot à partir de sa prononciation: en tapant «FISIC», par exemple, vous obtiendrez «physique».
  • Cours Autodidactique de Français Écrit (CAFE) http://www.cafe.edu
    Ce site montréalais propose des tests auto-corrigés, des exercices et des conseils.
  • La Clé: http://www.cafe.edu/cle/index.html
    Site du CAFE. Tout ce que vous avez jamais voulu savoir (et beaucoup plus!) sur les figures de style et de rhétorique ou les genres littéraires. Un outil hypertextuel extrêmement puissant.
  • Clicnet: http://www.swarthmore.edu/Humanities/clicnet/
    diverses resources pour apprenants, sous forme de liens vers d'autres sites.


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