« APPRENDRE UNE LANGUE »

Dernière mise à jour:
12 septembre 2017
© 2017 Guy Spielmann


Notion ou construction ?

     Tout être humain normalement socialisé (hors états pathologiques) acquiert au moins une langue naturelle dans laquelle il peut s'exprimer et communiquer (dite « langue maternelle » ou « native »). De ce fait, « apprendre une langue » semblerait constituer une notion universelle. Néanmoins, ceci ne résiste pas à l'analyse pour plusieurs raisons : l'acquisition « naturelle » (c'est-à-dire purement inductive au sein d'une communauté linguistique, familiale notamment) se combine en effet à un apprentissage conscient et institutionnalisé, autrement dit accompagné par des individus formés (plus ou moins bien…) à cet effet, et œuvrant dans un cadre prédéterminé (les programmes, les cursus), le plus souvent avec des matériaux pédagogiques dédiés.
     Par ailleurs, « apprendre une langue » peut s'interpréter de manières très différentes selon les finalités que l'on reconnaît à cet apprentissage, mais aussi selon l'extension que l'on donne à son objet: la « langue » peut s'envisager comme une somme d'éléments discrets (des mots, des règles de grammaire), comme un ensemble de pratiques, séparément ou non d'un contenu particulier, etc.
     Il importe donc de commencer par s'interroger sur le sens exact à donner à cette expression « apprendre une langue », et de distinguer au moins deux possibilités.

1. Une conception dissociative
   C'est la plus courante et la plus ancienne. Elle considère que la forme et le fond sont de nature distincte, et donc que la langue est simplement le vecteur permettant d'exprimer des idées, de mettre des étiquettes sur du réel qui lui pré-existe. Cette conception se rattache à l'essentialisme, mais aussi au dualisme philosophique (qui sépare le corps et l'esprit). Dans les faits, cela se traduit par des cursus où « cours de langue » et « cours à contenu » restent distincts, et où les premiers consistent essentiellement à l'acquisition du lexique et d'un ensemble de règles morphologiques, syntaxiques et orthographiques (éventuellement, phonologiques) avec pour objectif une mise en pratique dans des situations artificielles le plus souvent propres au seul contexte scolaire/universitaire.
   Dans cette vision, on estime que l'apprentissage du contenu n'est que marginalement lié à celui de la langue, et que l'apprentissage d'une langue seconde (ou troisième) se fait en fonction de la langue maternelle, d'où un recours systématique à la traduction. Les principaux symptômes d'une conception dissociative sont:
— la séparation nette dans le cursus des « cours de langue », en début de séquence, et des « cours de contenu » qui les suivent, selon le principe qu'il faut d'abord avoir apris la langue—celle-ci étant implicitement assimilée à une forme pure—avant d'apprendre quoi que ce soit dans cette langue
.
— la séparation nette dans les activités de classe entre celles qui portent sur la dimension linguistique (vocabulaire, morphlogie, syntaxe), et celles qui portent sur le contenu, beaucoup moins importantes.
— la séparation nette dans les manuels entre exercices linguistiques et contenu, qui est le plus souvent présenté dans la L1.
— le recours systématique à la traduction et à l'usage de la L1 dans l'enseignement.

2. Une conception associative
  Elle considère que la forme et le fond sont indissociables et que, dans une très large mesure, la manière dont un individu envisage le réel est déterminée par les ressources langagières dont il dispose (« hypothèse Sapir-Whorf »). À de très rares exceptions près, tout contenu est organiquement lié à l'expression linguistique, si bien que leur apprentissage se fait simultanément. Ainsi, pour prendre un exemple très simple, apprendre le mot horse ne consiste pas seulement à apprendre un signifiant nouveau qui se subsitue à un signifiant déjà connu, en français cheval, en allemand pferd,en espagnol caballo, en latin equus…, ces divers signifiants renvoyant tous à un même signifé, à un même concept; plutôt, on apprend un nouveau signe, c'est-à-dire à la fois une forme (un signifiant) et un contenu (signifié, concept) qui y est associé.
   Par conséquent, une approche associative se caractérise par
— l'intégration dans le cursus de la forme et du contenu, y compris dans les cours élémentaires.
— l'intégration dans les activités de classe de la dimension linguistique (vocabulaire, morphlogie, syntaxe) et d'un contenu (histoire, géographie, sociologie, politique…), en accentuant la dimension culturelle de ce dernier.
— l'intégration dans les manuels des exercices linguistiques et du contenu, qui est donc présenté dans la L2.
— l'exclusion de la traduction et de la L1 dans l'enseignement.

M E N U

Accueil et Introduction Les Niveaux de réflection et d'action « Apprendre une langue » Les Objectifs d'apprentissage
La Structure du cours Le Programme de cours La Compétence communicative Les Activités de classe
L'Activité communicative - Activité vs. Exercice L'Environnement d'apprentissage (I) L'Environnement d'apprentissage (II) L'Immersion
Le Manuel de classe et le matériel pédagogique La Grammaire Le Vocabulaire La Prononciation et l'accent
Les Èchelles de proficience: ACTFL et CECRL L'Évaluation Les Documents authentiques La Culture dans l'apprentissage des langues secondes
La Technologie dans l'apprentissage des langues secondes       

HAUT